Classique / Opéra - Critique

No(s) Dames, kaléidoscope lyrique dégenré avec Théophile Alexandre et le Quatuor Zaïde

No(s) Dames, kaléidoscope lyrique dégenré avec Théophile Alexandre et le Quatuor Zaïde - Critique sortie Classique / Opéra France Tournée


En tournée/ Théophile Alexandre et le Quatuor Zaïde / mise en scène Pierre-Emmanuel Rousseau.

Parti de la prise de conscience de la fatalité de genre, qui, inlassablement et avec une apogée à l’époque romantique, fait se conjuguer beauté musicale et sacrifice des femmes sur les scènes d’opéra depuis plus de quatre siècles, No(s) Dames s’affirme d’abord comme un salutaire exemple d’appropriation. Inversant l’équilibre traditionnel du spectacle lyrique, la vingtaine de destinées féminines tragiques condensées en une heure dix sans entracte est incarnée par le contre-ténor Théophile Alexandre, tandis que l’accompagnement orchestral a été arrangé pour les musiciennes du Quatuor Zaïde. La scénographie de Pierre-Emmanuel Rousseau s’appuie sur des vidéos et des accessoires archétypaux de la parure d’une diva – roses rouges, gant en satin couleur sang, talons aiguilles ou collier –  à la façon de métonymies de ces figures associées par affinités en trois « actes » : madones, putains et sorcières. Le dispositif évite la réduction de cette mosaïque de portraits miniatures en une narration artificielle, et relève d’abord d’une forme hybride dépassant le cliché du récital statique, où même les pupitres instrumentaux participent à la mise en scène.

Un défi téméraire et fédérateur

La fluidité du kaléidoscope d’airs est tissée grâce aux transitions habiles d’Eric Mouret – par-delà les enchaînements « naturels » entre deux pages de bel canto ou les ruptures linguistiques. Si le timbre fragile et aigu du contre-ténor est l’avatar masculin prédestiné pour une telle transposition de la vulnérabilité des femmes, la plasticité de la voix ne manque pas cependant de se heurter, même après transposition, aux limites de l’hétérogénéité des tessitures – et de caractères – des pages originelles, allant du mezzo au soprano léger. Certes, les coloratures les plus périlleuses ont été coupées, ou transposées pour les cordes – avec un instinct confondant du génie du quatuor classique dans la Reine de la Nuit, que l’on retrouve dans un autre Mozart méconnu, Zaïde. A côté d’icônes d’une troublante crédibilité, à l’instar du languissement de La Traviata ou de la flamme d’Eurydice, d’autres scènes résistent davantage, tels les adieux de Jeanne d’Arc de Tchaïkovski, dont l’ampleur de l’écriture souffre un peu. Il n’en reste pas moins que ce défi un peu téméraire expérimente un autre regard sur l’opéra, bienvenu autant pour les amateurs que pour les novices.

Gilles Charlassier

 

A propos de l'événement


No(s) Dames
du samedi 4 mars 2023 au jeudi 13 avril 2023
Tournée

Le 11 avril au Trianon à 20h. Tél. 01 44 92 78 05. Durée : 1h10.


En tournée


à Laval le 4 mars 2023, à Montauban le 10 mars 2023, à Meudon le 29 mars 2023, à Lisieux le 13 avril 2023.


Spectacle vu le 9 janvier 2023 au Trianon.


 


A lire aussi sur La Terrasse

  • Théâtre - Critique

Elsa Agnès est mise en scène par Anne-Lise Heimburger dans son propre texte : Le caméléon

Avec ce long monologue dont elle est [...]

Du mercredi 5 avril 2023 au 23 avril 2023
  • Théâtre - Gros Plan

Anne-Laure Liégeois adapte au théâtre Des Châteaux qui brûlent d’Arno Bertina

En 2017, le romancier Arno Bertina publiait [...]

Du samedi 1 avril 2023 au 23 avril 2023
  • Danse - Gros Plan

Le Festival de danse de Cannes attend vos films !

Le Festival de danse de Cannes se tiendra du [...]

Du jeudi 1 décembre 2022 au 30 avril 2023