Théâtre musical - Critique

Niemandsland

Niemandsland - Critique sortie Théâtre musical Paris CENTQUATRE-PARIS


Le CENTQUATRE-PARIS / Niemandsland / Dimitri de Perrot

Prenez conscience des bruits environnants : la vaisselle claque, les voisins rient, la pluie tape contre la gouttière. Ils ne se distinguent pas, noyés dans le brouhaha sonore quotidien. Dimitri de Perrot, après deux ans de collecte, en fait tout autre chose. Plongés dans une salle obscure coupée de l’immense lieu qu’est le 104 par d’épais rideaux noirs, les participants de Niemandsland sont happés par une performance sonore – et dans une moindre mesure, visuelle – des plus déroutantes. Quatre estrades sont disposées au sol et un petit box vitré illuminé laisse apparaître des mains danser sur une table de mixage – celles de Dimitri de Perrot. Livrés à nous-même, le mouvement commun se met en marche et chacun trouve sa place : assis au bord d’une estrade, allongé sous un miroir, debout, déambulant dans l’espace : une drôle de chorégraphie s’instaure. Tout appelle nos souvenirs : un refrain que l’on croit connaître, un bruit de la cuisine, une sonnerie qui retentit, si bien que l’on ne sait plus d’où, du haut-parleur à nos pieds ou de notre téléphone, vient le son. Nous sommes sur la scène de la pièce de théâtre initiée par le DJ et metteur en scène suisse, répondant à son « invitation à percevoir la normalité, et à accorder une nouvelle forme d’attention à la beauté du quotidien ».

D’un quotidien individuel à une expérience collective

Entre l’individuel et le collectif, Dimitri de Perrot questionne avec une grande agilité les barrières entre les individus. C’est d’ailleurs le sens de Niemandsland, sous-titré Un voyage vers ce qui se trouve entre nous : le no man’s land, le « vide » entre les gens. On peine à distinguer un vent d’une vague, ou du cri d’un lion, car les associations sont avant tout individuelles. Le quotidien est joué en musique, mais le mien est-il celui de l’autre ? Dimitri de Perrot réussit la prouesse de faire collectif, alors même qu’il mobilise nos interprétations les plus personnelles. C’est notre propre écoute qui nous transporte d’une ambiance à une autre, d’un lieu à un autre, jusqu’à nous faire perdre le sens de la réalité. Dimitri de Perrot nous met face à la situation singulière de prendre le temps d’écouter des bruits, qui ne sont d’ordinaire qu’entendus. C’est un voyage aux quatre coins du monde, de la ville et de notre quotidien. C’est parfois sourd, parfois oppressant, mais aussi survoltant. Allongez-vous sous un miroir, vous serez sur la lune, tandis que subitement le sol se mettra à trembler – c’est renversant -, et un train vous frôlera alors à une vitesse folle. Puis, des lueurs pâles éclairent un pan de mur de draps blancs, comme un jour qui se lève au terme d’une nuit habitée, détachant les ombres des participants – nouvelle prise de conscience -, avant de retomber dans la pénombre. Et c’est derrière un rideau noir que l’on sort, poussés par les prochains cobayes alors même que l’écoute persiste, aveuglés par la lumière du jour, étourdis, mais les sens aux aguets.

Louise Chevillard

A propos de l'événement


Niemandsland
du mardi 18 janvier 2022 au vendredi 28 janvier 2022
CENTQUATRE-PARIS
5 Rue Curial, 75019 Paris

Les 25, 27 et 28 janvier à 18 et 19h et le 26 janvier de 14 à 19h. Durée : 1h. Tel : 01 53 35 50 00. www.104.fr

Tournée à venir.


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