Théâtre - Critique

Mozart père et fils / Lear et son fou

Mozart père et fils / Lear et son fou - Critique sortie Théâtre


C’est l’un de nos acteurs de grand talent, amoureux authentique et fervent de la scène, mettant courageusement en pratique ses désirs créatifs. «  Poussons donc le cri avant le bâillon du silence ! » clame-t-il.  Jean-Claude Drouot met en scène deux pièces. Mozart père et fils fait entendre la correspondance établie entre Léopold et Wolfang Amadeus. Un acteur, le père (Jean-Claude Drouot), lisant les lettres du père et du fils, un chanteur, le fils (Renaud Drouot, baryton), et un pianiste (Elio Di Tanna) occupent la scène. Le père découvrant et faisant découvrir au monde le don miraculeux de son si jeune fils, le père ensuite peinant à diriger ce fils fougueux et irréfléchi. Le fils prodige admiré de tous qui en grandissant désire s’émanciper et connaître le monde bien au-delà de Salzbourg. Une relation vieille comme le monde, où s’entrelacent l’amour et les conflits, où les exigences de l’un contrarient l’envie de liberté de l’autre, où tandis que le fils part à la conquête du monde le père s’ancre de plus en plus dans l’intimité attentiste de sa maison. Cette relation, la correspondance la reflète à merveille, souvent avec piquant et humour, tandis que la mise en scène un peu figée peine à la représenter. Le père-acteur assumant la lecture de toutes les lettres, le fils-chanteur peine à trouver sa place dans la dramaturgie en dehors des moments joliment chantés, même si dans la seconde partie grâce notamment à l’utilisation des costumes les effets du théâtre sont davantage convoqués pour exprimer toute l’amplitude dramatique de ce duo épistolaire.

Egaré et révolté

Dans un autre registre, profondément tragique, Lear et son fou se fonde tout autant sur la complexité des relations filiales, le vieux roi déchu et abandonné ne devant son malheur qu’à son aveuglement, à son impérieuse volonté de vouloir mesurer et récompenser l’amour de ses filles à l’aune de leurs paroles. Inspiré par Shakespeare et l’effarante et sublime errance de Lear  sur la lande, l’homme de théâtre André Benedetto a écrit ce texte pour l’immense Alain Cuny et lui-même. Le spectacle n’a finalement pas été monté, et Jean-Claude Drouot, qui fut l’élève d’Alain Cuny, l’interprète et le met en scène avec Serge Le Lay dans le rôle du fou. Sur le plateau nu, le roi, Li, fait irruption dans un frêle esquif, vieux radeau à voile, tiré par Fo, le fou clairvoyant. La pièce ressasse les égarements et la folie du roi, avec des fulgurances mais aussi quelques longueurs et de l’emphase. Jean-Claude Drouot réussit une belle et intense prestation. Dépossédé de tout, égaré et pourtant révolté, Li laisse voir dans l’ombre de la tragédie shakespearienne l’absurdité et le naufrage de sa situation de roi plus vieux que vieux, de père coupable et victime.

Agnès Santi


Mozart père et fils d’après la correspondance complète des Mozart, mise en scène Jean-Claude Drouot, du 20 janvier au 12 février du mardi au samedi à 19h, dimanche à 16h, Lear et son Fou, d’André Benedetto, mise en scène Jean-Claude Drouot, du 18 janvier au 12 février, du mardi au samedi à 21h, dimanche à 18h, au Théâre de l’Epée de Bois, Cartoucherie, 75012 Paris. Tél : 01 48 08 39 74.

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