Classique / Opéra - Critique

Molière à l’opéra

Molière à l’opéra - Critique sortie Classique / Opéra Le Perreux-sur-Marne Centre des Bords de Marne


LE PERREUX / THEATRE ET MUSIQUE

On a vu récemment revivre les comédies-ballets de Molière et Lully, Le Bourgeois gentilhomme et Monsieur de Pourceaugnac, mises en scène par Benjamin Lazar ou Clément Hervieu-Léger, belles expériences où théâtre et musique se mêlent au point que l’on ne distingue plus vraiment qui chante et qui joue. Mais ces quelques tentatives laissent dans l’ombre tout un pan de ce travail que Molière a mené en relation directe avec les musiciens du Grand Siècle : Lully puis Marc-Antoine Charpentier. Les Paladins se plongent dans ce riche corpus qui n’a aujourd’hui guère les honneurs des salles de théâtre et encore moins des lieux de concerts et, après un enregistrement pour le label Glossa, le montent sur scène. De toutes ces œuvres hybrides – La Princesse d’Elide, Les Amants magnifiques, Psyché, Le Sicilien, Le Mariage forcé, Pastorale comique… – Jérôme Correas a tiré airs et musiques, qu’il enchaîne en un spectacle où la bouffonnerie a souvent le dessus mais se pare de teintes changeantes, de la tendresse à la gravité. C’est que, chez Molière, on vit souvent les mêmes péripéties : on s’aime, on se dispute, on se moque, on souffre, on rit. De là, une impression parfois de redite et la difficulté pour le spectateur de se laisser prendre par l’illusion d’une véritable narration.

Virevolte et rêverie

Mais, en même temps, c’est pour cela même que fonctionne la proposition des Paladins : les airs s’enchaînent au gré des entrées des quatre solistes (la soprano Luanda Siqueira, radieuse, les ténors Jean-François Lombard et Guillaume Gutierrez et la basse Jean-Baptiste Dumora, jonglant habilement entre leurs différents emplois et registres). Simple, efficace mais aussi subtile, la mise en scène imaginée par Jérôme Correas joue sur la virevolte de ces personnages de comédie – médecins, avocats, étrangers, amantes ou gandins – et adresse maints clins d’œil au théâtre de tréteaux, où l’on se grime et patoise. La scène finale tirée du Bourgeois gentilhomme, « Dialogue des gens de provinces différentes qui crient en musique pour avoir les livres du ballet », réunissant les quatre solistes, clôt la soirée en apothéose. Les tableaux s’apparentent aussi à une rêverie, ce que soulignent les éclairages d’Olivier Oudiou plaçant l’intrigue sous le regard de la lune, aussi bien que les costumes d’Alice Touvet, qui par de sensibles décalages traitent les personnages en êtres oniriques d’une familière étrangeté. Tout cela s’anime par la musique, pleine de caractère, de Charpentier et Lully. Pour le premier, dont les collaborations avec Molière sont moins nombreuses, la musique est plus portée sur l’écriture instrumentale, plus savante peut-être. Lully, lui, compose pour Molière en homme de théâtre – tandis que Molière donne à ses textes un rythme et des sonorités appelant la musique. Dans la fosse, Jérôme Correas dirige du clavecin un petit ensemble de cordes aux timbres vifs, articulant la musique comme les solistes leur chant. Par moments, Charles-Édouard Fantin accompagne les airs au théorbe ou à la guitare, instants de temps suspendus où l’émotion reprend ses droits avant que ne déferle de nouveau la verve burlesque de Molière.

 

Jean-Guillaume Lebrun

A propos de l'événement


Molière à l’opéra
du vendredi 20 janvier 2017 au vendredi 20 janvier 2017
Centre des Bords de Marne
2 Rue de la Prairie, 94170 Le Perreux-sur-Marne, France

à 20h30. Tél. : 01 43 24 54 28.


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