Théâtre - Critique

Mô - Critique sortie Théâtre


Les belles idées – pas plus que les bonnes intentions ou que les explorations thématiques singulières – n’ont jamais garanti la réussite d’un spectacle. Pouvant venir contrarier l’accomplissement des notes préparatoires les plus prometteuses, frapper de stérilité les recherches d’artistes à l’engagement indiscutable, le verdict du plateau se révèle parfois cruel et sans appel. Ainsi, valant sur le papier ou dans l’esprit d’un créateur, certains projets ne parviennent pas à féconder l’espace de la représentation. Tels des ballons sans air, des automates sans impulsions, ils peinent à se réaliser, à prendre corps ou âme pour exister sur scène. Aucune idée, aussi brillante et pénétrante soit-elle, ne vaut vraiment si elle ne donne naissance à une forme d’évidence ou de cristallisation théâtrale. La création présentée par Alain Béhar, en novembre dernier, à la Scène nationale de Sète et du Bassin de Thau (l’auteur et metteur en scène est, pour quatre ans, « en compagnonnage » avec l’institution héraultaise) est l’exemple typique de ce genre de propositions théoriques qui se brisent au contact de la réalité.

Une représentation sans vie
 
De réalité, mais aussi de virtualité, il est largement question dans , spectacle qui a pour principe de déployer sur scène cinq possibilités d’un même homme (Renaud Bertin, Julien Mouroux, Stéphane Piveteau, François Tizon et Thierry Vu Huu). Cinq possibilités reproduisant des éclats de quotidienneté à travers lesquelles Alain Béhar tente d’interroger les arcanes de la pensée et de l’intériorité, les relations complexes qui lient les zones du réel et du virtuel à l’heure d’internet et du tout numérique. Enchevêtrant et superposant captations vidéo, sons, bribes de musiques et de paroles directement adressées ou retransmises, Alain Béhar compose un magma multimédia qui bourdonne dans le vide. Aucun jaillissement de pensée, aucune efflorescence poétique ne vient en effet éclairer ou nourrir le thème de la fragmentation de l’être, la question de sa démultiplication. C’est donc à une représentation sèche et plate que nous assistons. Une représentation foisonnante, mais sans vie. Toute la drôlerie, la douceur, la sensibilité, la musicalité, tous les champs de perceptions et de réflexions dont Alain Béhar déclare avoir voulu favoriser l’émergence restent imperceptibles. Les multiples projections de ce Mô – visuelles ou sonores, réelles ou virtuelles – s’affichent, se dispersent et se confondent, ne parvenant à créer qu’une inconfortable impression d’agitation.
 
Manuel Piolat Soleymat

, texte et mise en scène d’Alain Béhar. Les 16, 17 et 19 décembre 2009 à 19h30, le 18 décembre à 20h30. Théâtre des Bernardines, 17, boulevard Garibaldi, 13001 Marseille. Renseignements et réservations au 04 91 24 30 40 ou sur www.theatre-bernardines.org Spectacle vu lors de sa création, le 12 novembre 2009, à la Scène nationale de Sète et du Bassin de Thau. Reprise du 4 au 6 février 2010 au Théâtre Garonne, à Toulouse.

A propos de l'événement




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