Classique / Opéra - Critique

En replay sur votre écran, Manon de Jules Massenet, mise en scène de Vincent Huguet, direction Dan Ettinger

En replay sur votre écran, Manon de Jules Massenet, mise en scène de Vincent Huguet, direction Dan Ettinger - Critique sortie Classique / Opéra Paris Opéra Bastille


de Jules Massenet / mes Vincent Huguet / dir. Dan Ettinger

« Ce rôle me tombe sur la voix comme un gant », a confié récemment Benjamin Bernheim au micro de France-Musique à propos du Chevalier des Grieux. Le ténor qui monte, souvent comparé à Roberto Alagna et récemment auréolé d’une Victoire de la musique en tant qu’artiste de l’année, s’est déjà fait remarquer l’an dernier à l’Opéra de Bordeaux lors de sa prise de rôle dans Manon. Il confirme à l’Opéra de Paris qu’il coche toutes les cases du personnage de des Grieux, alliant diction, musicalité, nuances, puissance et couleurs. À ses côtés, Pretty Yende, pour qui Manon est une prise de rôle, ne peut se targuer d’une aussi bonne diction mais sa voix fruitée aux aigus bien accrochés séduit et touche. Pour ne rien gâcher, ce duo enchanteur s’accompagne de très bons seconds rôles, de Ludovic Tézier, toujours aussi naturel et élégant, à Rodolphe Briand, savoureux en Guillot de Morfontaine, ou Roberto Tagliavini, Comte des Grieux un peu raide mais humain. Dans la fosse, Dan Ettinger dirige l’Orchestre de l’Opéra national de Paris avec poigne même si l’ouverture manque un peu d’éclat. S’il couvre parfois les voix, il sait faire ressortir la volupté de la musique de Massenet, particulièrement dans l’acte de Saint-Sulpice.

Mise en scène visuellement séduisante

La mise en scène de Vincent Huguet était très attendue. L’ancien assistant de Patrice Chéreau, qui faisait ses débuts à l’Opéra de Paris, a choisi de transposer l’action dans les Années folles. Le choix paraît judicieux : cette époque qui, après la Première Guerre mondiale, a donné aux femmes l’occasion de conquérir un nouveau statut, permet d’insister sur le choix de Manon, hésitant entre l’amour romantique de Des Grieux et son ambition de devenir la reine de Paris. Elle permet également, grâce à la richesse de son inspiration Art déco, de livrer des décors aux lignes pures et des costumes flamboyants. Mais si la mise en scène séduit visuellement, elle ne convainc pas toujours dans ses partis pris dramaturgiques : fallait-il vraiment insérer des interludes musicaux comme « C’est lui » chanté par Joséphine Baker ? La figure tutélaire de la meneuse de revue était suffisamment évidente dans la mise en scène pour ne pas avoir besoin de forcer le trait. De même, fallait-il vraiment changer la fin en fusillant Manon au lieu qu’elle meure d’épuisement ? Quand un metteur en scène plie l’œuvre pour la forcer à épouser sa conception, cela gêne toujours un peu, même sans être un partisan absolu de la littéralité. Heureusement, il reste l’essentiel : la somptuosité de la partition et du couple Bernheim/Yende, à savourer pour quelques dates encore avant l’alternance avec Stephen Costelo et Amina Edris.

Isabelle Stibbe

A propos de l'événement


Manon
du mercredi 4 mars 2020 au vendredi 10 avril 2020
Opéra Bastille
place de la Bastille 75011 Paris

A l'écran : https://www.operadeparis.fr/magazine/manon-en-replayTél. : 08 92 89 90 90.


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