Théâtre - Critique

Mama

Mama - Critique sortie Théâtre Choisy-le-Roi Théâtre de Choisy-le-Roi


Théâtre de Choisy-le-roi / MC93 / conception Ahmed El Attar

Dans son luxueux fauteuil style XVIIIème, près d’un canapé et d’un autre siège du même acabit, la comédienne principale de Mama, Menha El Batraoui, affiche d’emblée la richesse de son personnage et son importance au sein de la famille imaginée par Ahmed El Attar. Comme dans The Last Supper, cette nouvelle pièce créée en juillet dernier au Festival d’Avignon – c’est aussi là que l’on découvrait le précédent spectacle du metteur en scène, en 2014 – donne à voir la bourgeoisie égyptienne. Classe sociale très peu mise en scène dans le théâtre égyptien, au profit des milieux populaires souvent représentés dans leurs luttes et leurs oppressions. Dans son pays, où il présente son travail et dirige le festival indépendant D-CAF, Ahmed El Attar tend ainsi un miroir à l’élite qui tient les rênes du pouvoir. Mais il le fait avec une très légère distance. Une petite étrangeté qui met le réalisme de la pièce sous le signe du doute et permet à la proposition de franchir aisément les frontières. De s’adresser à un auditoire beaucoup plus large que le microcosme dont il tient à montrer les violences. Le conservatisme aussi, car si aucune référence explicite n’est faite dans Mama au soulèvement populaire qui a causé la démission du président Hosni Moubarak le 10 février 2011, on comprend que les protagonistes de la pièce ont vécu ce moment historique. Ce qui ne les empêche pas de se conduire comme si rien n’avait eu lieu, comme si leur domination n’avait pas été ébranlée.

Théâtre autour du canapé

Au fil de scènes assez courtes, sans liens entre elles autres que ses personnages – c’est là une des exceptions au cadre naturaliste de la pièce, avec les hautes tiges de métal qui, dressées autour du plateau, lui donnent un air de chantier –, les relations entre la maîtresse de maison et tous ceux qui se pressent autour d’elle se précisent. L’amour inconditionnel qu’elle voue à son fils et à son petit-fils se manifeste à travers une grande permissivité. Tandis qu’envers sa belle-fille (l’excellente Nanda Mohammad, comédienne syrienne installée en Égypte depuis 2012, qui est de la plupart des créations de Ahmed El Attar) et sa petite-fille, elle fait preuve d’une sévérité excessive. D’une colère injustifiée. Dans Mama, quatorze comédiens exhibent d’une manière presque clinique tous les paradoxes de la figure de la mère. L’oppression dont elle est victime, et sa responsabilité dans la reproduction du système patriarcal. Composée comme toutes les autres pièces de Ahmed El Attar de textes non-théâtraux, collés ensemble de manière à offrir une apparence presque classique – toute la subtilité de son théâtre est dans ce « presque » –, cette pièce est aussi un drame très réussi du langage. Et de la représentation.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement


Mama
du mardi 9 octobre 2018 au mardi 9 octobre 2018
Théâtre de Choisy-le-Roi
4 avenue de Villeneuve-Saint-Georges, 94600 Choisy-le-Roi

à 20h. Tel : 01 48 90 89 79. www.theatrecinemachoisy.fr Dans le cadre du Festival d’Automne. Également du 11 au 14 octobre à la MC93 à Bobigny, les 16 et 17 octobre à la Maison de la Culture de Bourges, le 10 novembre au Merlan à Marseille, les 15 et 16 novembre au TNB à Rennes, les 14 et 15 mai au Quartz, Scène nationale de Brest. Vu en juillet dernier au Festival d’Avignon.


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