Le vol du Boli de Damon Albarn & Abderrahmane Sissako au Théâtre du Châtelet
Le Châtelet reprend cette création mondiale [...]
Philippe Meyer reprend au Lucernaire son histoire amoureuse de la radio, accompagné par le fidèle Jean-Claude Laudat à l’accordéon. Un condensé d’esprit et de verve, un spectacle crépitant, tendre et allègre : un pur bonheur !
Comme Dürer au chardon, Courbet au chien noir ou Gauguin au Christ jaune, Philippe Meyer peint un autoportrait à la radio, et en dit autant sur lui-même que sur la compagne ondoyante avec laquelle il a passé sa vie. Patelin et rugueux, ironique et tendre, caustique et matois, l’ancien « chroniqueur matutinal » apparaît comme le parangon de ce qu’on appelait jadis l’esprit français, avant que les grossiers et incultes adeptes de la mesquinerie identitaire n’en ternissent l’éclat. Avec la verve des Mortemart, nourrie, comme le disait Saint-Simon, « de fine politesse des expressions singulières, d’éloquence, de justesse naturelle », Philippe Meyer se fait mémorialiste de ses années passées à Radio-France. Avec une gouaille impayable et un art consommé du politiquement incorrect, il emprunte à Bernard Dimey le « regret des bordels », et aux Frères Jacques la géniale complainte de Frédo, qu’il interprète avec une drôlerie impayable. Avec un humour vache et une passion pour l’anarchie, que corsète son éthos de bourgeois prospère, il égratigne les valets du pouvoir et ceux qui papillonnent autour des puissants, en « changeant de trottoir sans changer de métier ».
Rire et chansons (mais en mieux !)
La radio a accompagné le « petit Meyer » toute sa vie. Depuis le poste Telefunken (« Deutsche Qualität ») qui lui servit de nourrice dans une famille qui faisait des enfants sans les voir, en passant par l’appareil à galène planqué sous les draps du pensionnat pour écouter Signé Furax, jusqu’aux studios de la Maison ronde, Philippe Meyer a tout connu de la jouissance auditive. C’est d’ailleurs par l’oreille que lui est venu l’amour de la chanson, seconde maîtresse et grande pourvoyeuse de plaisirs, d’émotions et de joies. Accompagné par l’accordéon de Jean-Claude Laudat, Philippe Meyer interprète quelques couplets, qui émaillent sa causerie et lui offrent de suggérer ce que l’on dit toujours mieux quand on le fredonne. La mise en scène de Benoit Carré est fluide et limpide : tout sert le propos, le rend lumineux et efficace. Peut-être aussi – l’hypothèse étant faite sans flagornerie – que l’intelligence du bonhomme y est pour beaucoup : Philippe Meyer a le verbe aussi clair que la pensée, et c’est grand bonheur, en ces temps de déprime et de débine, de retrouver avec lui le plaisir de se faire déboutonner le cerveau.
Catherine Robert
Le dimanche à 19h. Tél. : 01 45 44 57 34. Durée : 1h15.
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