Classique / Opéra - Gros Plan

Luigi Nono : la musique en ses combats

Luigi Nono : la musique en ses combats - Critique sortie Classique / Opéra Paris


PORTRAIT / FESTIVAL D'AUTOMNE

Interrogé sur la place du compositeur dans la société, Luigi Nono répondait en 1966 : « Je ne vois pas pourquoi la musique ne devrait pas pouvoir aujourd’hui participer à la découverte et à l’affirmation de la nouvelle dimension humaine, technique, fantastique et réelle ». Pour ce compositeur engagé – il adhéra au Parti communiste italien dès 1952 –, tout acte créateur relève d’un choix qui regarde le monde dans lequel il vit. L’œuvre de Luigi Nono laisse transparaître parfois immédiatement cet engagement dans des œuvres qui dénoncent le fascisme (La Victoire de Guernica sur un poème d’Éluard, Il Canto sospeso), un combat qu’il partage à cette époque avec Luigi Dallapiccola ou Hans Werner Henze, ou dans celles qui célèbrent la classe ouvrière (La fabricca illuminata). Mais surtout, pour Luigi Nono, une musique véritablement révolutionnaire, adressée au peuple – le compositeur préférait faire entendre sa musique dans les usines ou les cercles ouvriers que dans les salles de concert –, requiert de la part de son auteur « choix, décision et rigueur culturelle, sur le plan de la technique et de l’expression » : une musique exigeante, difficile même, mais qui s’efforce de décrire le monde contemporain pour et avec ceux qui le vivent. C’est sans doute la raison pour laquelle la musique de Nono en appelle souvent à la voix et, dans la dernière période de son œuvre surtout, est habitée par le silence, comme la lente respiration humaine d’un monde menacé par la déshumanisation.

De la révolution au silence

Un regard sur le monde et l’écoute de ses contemporains : voilà les deux axes que suit le Festival d’automne pour évoquer la figure de Luigi Nono. L’engagement du compositeur trouve son expression dans les Canti di vita e d’amore : trois chants où par-delà l’horreur (Hiroshima, la torture en Algérie), le compositeur proclame l’espoir que symbolise le pouvoir de la voix humaine. Mikko Franck les dirige, avec les solistes Anu Komsi et Andrew Staples, au côté de la Faust-Symphonie de Liszt, autre fresque sur le devenir de l’humanité. La voix toujours, mais multiple, habite A Floresta é jovem e cheja de vida, une œuvre de 1965 où s’enchevêtrent les paroles des révolutions, portées par trois acteurs et par la bande magnétique, que l’on entendra le 14 novembre, précédée de Ricorda cosa ti hanno fatto in Auschwitz (« Souviens-toi de ce qu’ils t’ont fait à Auschwitz »). Le 18 novembre, Ingo Metzmacher dirige l’Orchestre de la SWR dans trois œuvres majeures : Como una ola de fuerza y luz de Nono, composée pour Maurizio Pollini et Claudio Abbado, la 2e Symphonie de Karl-Amadeus Hartmann, qui entretint une correspondance soutenue avec Nono, et Ausstrahlung de Bruno Maderna, autre figure de la création musicale de la « génération de Darmstadt ». De cette génération, le festival programme des œuvres de Karlheinz Stockhausen et György Kurtag, mais s’ouvre aussi aux générations suivantes, de Wolfgang Rihm et Helmut Lachenmann à Olga Neuwirth et Claire Iannotta.

 

Jean-Guillaume Lebrun

A propos de l'événement


Luigi Nono : la musique en ses combats
du vendredi 3 octobre 2014 au mardi 18 novembre 2014

Paris, France

Festival d’Automne à Paris, Portrait de Luigi Nono. Du 3 octobre au 18 novembre. Tél : 01 53 45 17 17.


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