Théâtre - Critique

L’odeur du sang humain ne me quitte pas des yeux

L’odeur du sang humain ne me quitte pas des yeux - Critique sortie Théâtre Paris Le Monfort


Théâtre Le Monfort / d’après William Shakespeare / conception et mes Philippe Ulysse

 « Parler depuis le tabou. C’est de là que je viens. C’est de là ». Celui qui parle a transgressé l’interdit sacré « Tu ne tueras point ». Il est l’un de ces défigurés par le crime qui hantent le plateau de L’Odeur du sang humain ne me quitte pas des yeux. Par crainte, par pudeur, ceux qui ont basculé, déshumanisés, proies de l’irrationnelle folie meurtrière consubstantielle à l’humanité, taisent leur monstrueuse terreur intime. Philippe Ulysse leur donne la parole et les fait chair dans ce sauvage poème dramatique.  A la croisée de réflexions introspectives, du récit des tourments et des mauvais rêves de jeunes soldats ou d’anciens combattants, d’emprunts choisis dans un florilège de textes inspirés, le metteur en scène, auquel la plus illustre des figures criminelles dramatiques, Macbeth, sert de fil rouge, interroge :  « Comment devient-on des monstres ? ». Invitant le spectateur à assister à une espèce « d’autopsie des notions impalpables de bien et de mal », à faire face « à l’impuissance de l’homme » comme à sa puissance chaotique, le Directeur de la Compagnie du Bureau de l’Intervalle requiert aussi de son public, ne sondant pas seulement les âmes mais travaillant aussi les corps, d’affronter la réalité cauchemardesque de ces êtres brisés, physiquement déchus.

Un pathétique esthétiquement sublimé

L’écriture scénique complexe de la pièce, dans son effort de dépassement du dualisme corps/esprit, bien dans l’art et la manière de Philippe Ulysse, place la barre très haut,  à la hauteur de l’exhibition de la chose même : la monstruosité en acte. En se tenant sur cette crête phénoménologique, le spectacle fait beaucoup mieux qu’éviter le didactisme auquel son argument aurait pu le prédisposer et tire vers la performance. Les acteurs (Fred Ulysse en figure de proue) donnent à vivre des moments d’une exceptionnelle intensité dramatique, lyrisme porté à son paroxysme lors des interventions chantées par l’inclassable Dalila Khatir.

L’esthétique « scénophonique » autant que scénographique, extrêmement soignée, se jouant du beau et du laid, du sordide et du merveilleux, discipline le pathétique et le transcende. Avec toutes ces qualités réunies, la pièce ne souffre que d’un vertige qu’elle tutoie comme un beau risque assumé, celui de se laisser envahir par un excès de possibles.

Marie-Emmanuelle Galfré

A propos de l'événement


L’odeur du sang humain ne me quitte pas des yeux
du mardi 29 janvier 2013 au samedi 16 février 2013
Le Monfort
106, rue Brancion, 75 015 Paris
Du 29 janvier au 16 février, du mardi au samedi à 20h30. Tél : 01 56 08 33 88. www.lemonfort.fr

Spectacle vu au Théâtre de Saint-Quentin en Yvelines.

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