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Lilo Baur met en scène le scénario du film d’Ettore Scola (1977), avec dans le rôle d’Antonietta et Gabriele Laetitia Casta et Roschdy Zem. L’histoire poignante d’une rencontre particulière et d’un chemin vers une dignité retrouvée, malgré l’avènement du fascisme.
On se souvient de Marcello Mastroianni et Sophia Loren dans le chef-d’œuvre de l’immense Ettore Scola – dont le film La Terrasse est à l’origine du nom de notre cher journal. Son film extraordinaire retrace de manière à la fois sobre et bouleversante la rencontre de deux solitudes alors que le fascisme italien s’allie à l’Allemagne nazie, et qu’en ce 6 mai 1938 se tient un vaste défilé de chemises noires dans les rues de Rome. Elle, épouse et mère de six enfants, totalement dévouée à son mari grossier et aux tâches domestiques. Lui, chroniqueur sportif cultivé, récemment licencié à cause de son homosexualité. Le texte, avec son poignant duo de comédiens déployé dans une unité de lieu et de temps, se prête bien à la scène, et il fut adapté au théâtre dès les années 1980. Si la condition de la femme et celle des homosexuels ont considérablement progressé depuis cette époque – pas partout, loin de là –, force est de constater que la rencontre d’Antonietta et Gabriele demeure aujourd’hui encore une histoire intense, intemporelle, tant elle éclaire la naissance d’un désir de liberté malgré les asservissements, tant elle révèle l’humanité de ces deux êtres qui par leur dialogue engagent une découverte de l’autre autant qu’une découverte de soi.
Une si belle rencontre
Suissesse et internationale, Lilo Baur, qui a travaillé à plusieurs reprises avec la troupe de la Comédie-Française, adapte cette journée particulière avec Laetitia Casta et Roschdy Zem, tous deux très connus et très appréciés, notamment au cinéma. Ils prennent ici le risque du présent du théâtre, dans des rôles exigeants et magnifiques où sous la surface du quotidien se dissimulent de profondes blessures intérieures. Ils y parviennent avec sobriété et retenue. Lilo Baur conserve comme toile de fond l’ancrage historique de l’histoire, par la scénographie signée Bruno de Lavenère, la clameur de la rue, les vêtements (quasi identiques à ceux du film), la vidéo ou encore la radio qui diffuse les nouvelles de l’extérieur. Les cloisons mouvantes, dont le ballet se fait parfois trop pressant, permettent de passer de l’appartement d’Antonietta à celui de Gabriele avec fluidité. Ce qui est beau ici, c’est le chemin vers une conscience autre : figés dans un assujettissement implacable, relégués par une société qui les méprise, tous deux parviennent à reconnaître, ensemble, leur dignité. Symbole particulier de cette ouverture au monde au cœur du malheur, celle que permet le livre, la littérature, contre le gouffre de la solitude. Malgré l’éclatant avènement du fascisme, la si belle rencontre de Gabriele et Antonietta se fait victoire intime contre une brutale relégation, contre l’intolérance et l’obscurantisme.
Agnès Santi
du mardi au samedi à 21h, dimanche à 16h. Tél : Durée : 1h30. Spectacle vu en octobre 2023 au Théâtre de Carouge à Genève.
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