Théâtre - Critique

Liberté à Brème, d’après Rainer Werner Fassbinder, mise en scène de Cédric Gourmelon

Liberté à Brème, d’après Rainer Werner Fassbinder,  mise en scène de Cédric Gourmelon - Critique sortie Théâtre Strasbourg Théâtre National de Strasbourg


D’après Rainer Werner Fassbinder / mes Cédric Gourmelon

Dessinée à la craie sur un tableau noir aussi vaste que le fond de scène, la grande fresque qui nous accueille fait figure de note d’intention de Cédric Gourmelon. Réalisée par le scénographe Mathieu Lorry-Dupuy, elle représente une crucifixion à la fois très précise et stylisée, naïve et sophistiquée, qui dit la double intention du metteur en scène : être fidèle à Liberté à Brème de Rainer Werner Fassbinder, tout en l’éloignant de son contexte d’origine, l’Allemagne conservatrice du XVIIIème siècle. « Il nous faut tenter d’atteindre une forme non naturaliste, à la fois âpre, directe et métaphorique, qui caractérise toute cette partie de son œuvre au cinéma (celle des 15 premiers films) », explique-t-il dans le dossier de presse du spectacle. Cet entre-deux, le metteur en scène a cherché à l’obtenir avec un minimum de technique, en se concentrant sur le jeu. En confiant à Valérie Dréville le rôle principal, celui de Geesche qui élimine tous ceux qui font entrave à sa liberté – quinze personnes au total, depuis son mari tyrannique (François Tizon) jusqu’à son frère (Gaël Baron), en passant par son père, son amant ou encore une amie (Nathalie Kousnetzoff) –, Cédric Gourmelon prouve sa conscience de la complexité du personnage. Avec sa présence pleine de nuances dans la brutalité autant que dans la délicatesse, la comédienne aurait en effet pu être une passionnante Geesche. Mais un manque d’audace formelle pèse sur les acteurs, qui s’en tiennent à une partition brechtienne classique.

La meurtrière à distance

Divisé en dix-sept courts tableaux qui s’achèvent presque tous par un meurtre, Liberté à Brème offre pour le théâtre une structure efficace et de nombreux espaces ouverts à l’interprétation, au mystère. Ces intervalles, ainsi que certains moments du parcours de Geesche, les comédiens les annoncent ou les soulignent souvent par des actes inattendus, qui hésitent entre le monstrueux et le grotesque. Des danses un peu mécaniques disent la libération de la protagoniste. Des cris étranges expriment son oppression dans le rôle de femme soumise que tous cherchent à lui assigner. S’il déréalise l’ensemble, ce procédé proche du gestus brechtien ne suffit pas à créer une gêne équivalente à celle que suscite le film. On sent là le désir de Cédric Gourmelon d’atteindre à l’artificialité de l’univers de Fassbinder, au cinéma aussi bien qu’au théâtre avec sa troupe l’Antiteatr. Mais ces passages s’inscrivent dans un tout assez réaliste, où sont amoindris les beaux contrastes et les ambiguïtés de Liberté à Brème. Si l’on saisit bien la dualité de Geesche, victime autant que criminelle, ils sont portés de manière trop lisse pour provoquer le mélange de fascination et d’énervement que déchaînent aujourd’hui encore les œuvres de Fassbinder.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement


Liberté à Brème, d’après Rainer Werner Fassbinder, mise en scène de Cédric Gourmelon
du mardi 3 mars 2020 au mercredi 11 mars 2020
Théâtre National de Strasbourg
1 avenue de la Marseillaise, 67000 Strasbourg

à 20h, relâche le 8 mars. Tel : 03 88 24 88 00. www.tns.fr. Également du 20 au 30 mars 2020 au T2G – Centre Dramatique de Gennevilliers et au Théâtre du Gymnase à Marseille du 2 au 4 avril 2020.


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