Théâtre - Critique

Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne

Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne - Critique sortie Théâtre


« La veuve qui se remarie ne s’habillera ni de gris, ni de mauve, ce qui aurait l’air de demi-deuil et serait peu aimable pour son second mari ; elle évitera le rose, couleur trop gaie, qui serait déplacée. Elle se coiffera d’une mantille noire ou blanche, dans laquelle elle piquera quelques fleurs. Elle évitera les chrysanthèmes et les scabieuses, qui sont dénommées fleurs de veuves, il est de l’humour ou de la pitié qui ne sont pas toujours compris. »Ainsi s’énoncent Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne. Méticuleusement. Méthodiquement. Exhaustivement, en s’attachant à ne jamais laisser quoi que ce soit dans le vague, à ne jamais accorder la moindre place au flou ou à l’improvisation. De la déclaration de naissance aux usages du deuil, en passant par le baptême, les fiançailles, les cérémonies de mariage, ce sont tous les grands et petits événements de la vie que le texte de Jean-Luc Lagarce oriente, régit, encadre, règlemente. Cela, en s’appuyant sur un précis de bonnes manières écrit en 1889, best-seller qui rendit célèbre Blanche-Augustine-Angèle Soyer, dite la Baronne Staffe. Le texte de Jean-Luc Lagarce détourne, il va sans dire, le sens de cet ouvrage, en distord le style autant que le ton.

L’ironie impitoyable de Jean-Luc Lagarce
 
Car la version contemporaine de ces Règles du savoir-vivre (fruit d’une commande d’Henri Taquet, en 1993, pour la Scène nationale de Belfort) tire ce chapelet de recommandations protocolaires vers une ironie impitoyable, un sens de la cocasserie et de la dérision proprement irrésistibles. Pour porter ce texte à la scène, Frédérique Wolf-Michaux a choisi de faire naître un dialogue à partir du monologue conçu par l’auteur. Elle le fait en compagnie de la chanteuse-comédienne Dalila Khatir. Ensemble, les deux interprètes donnent corps à une représentation alliant talent et exigence. Une représentation au sein de laquelle deux figures de femmes s’emparent conjointement de ce corpus de règles, le délivre à l’assistance, faisant leurs voix se répondre, se confondre, dire ou chanter, ciseler et colorer avec beaucoup de précision la langue de Jean-Luc Lagarce. De l’une à l’autre, ce sont tous les aspects répétitifs, accumulatifs, sarcastiques de l’écriture du dramaturge qui surgissent. Des aspects qui pointent ici du doigt l’inhumanité d’un système de conventions sociales bafouant toute notion de libre-arbitre, de fantaisie ou d’authenticité.
 
Manuel Piolat Soleymat

Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne (édité aux Solitaires intempestifs), de Jean-Luc Lagarce ; conception de Frédérique Wolf-Michaux. Les lundis 3 et 10 mai 2010, à 20h30. L’apostrophe – Théâtre des Arts, 1, place des Arts, 95000 Cergy-Pontoise. Réservations au 01 34 20 14 14 ou sur www.lapostrophe.net. Durée de la représentation : 1h10.

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