Les Merveilles, mise en scène Robert Bouvier

L’exploration de la magie de la représentation théâtrale est un thème récurrent des pièces dont le metteur en scène Robert Bouvier est l’auteur. La création Les Gloutons (2007), née d’une série d’improvisations au plateau, l’adaptation très libre de la pièce de Tchekhov Le chant du Cygne (2016), cherchent déjà à percer ce mystère qui tient au désir de théâtre en auscultant de manière vivante sa fabrication. Avec ce nouvel opus, cet amateur des coulisses invite à passer de l’autre côté du miroir par le biais de l’acteur. Les Merveilles sont là pour rendre palpables, non sans beaucoup d’autodérision, de tendresse et d’humour, les projections intimes, les souvenirs et les états d’âmes angoissés d’un comédien appelé à incarner le rôle-titre dans l’une des pièces les plus monumentales du répertoire dramatique romantique: Ruy Blas de Victor Hugo. Nous suivons ainsi, dans un moment de trac dilaté jusqu’à son entrée en scène – qui sent, à plein nez, le vécu – les tourments qui agitent celui qui va devoir endosser le costume principal.

Un éclectisme jouissif

Initialement créée pour fêter, en 2020, les vingt ans d’existence du Théâtre du Passage – fête reportée d’une année pour des raisons qui n’échappent à personne – la création transpire l’ambition initiale d’hymne joyeux à la scène, dans ses références et sa fantaisie. Des comédiens aux multiples talents, pleins d’allant, relèvent le défi d’une mise en scène qui table sur leur propension à exercer leur art d’interprétation sur d’autres   terrains, tels le chant, la musique, la danse, l’art clownesque, domaines dans lesquels, individuellement, ils peuvent exceller. Cette distribution choisie, valorisant l’éclectisme artistique, est soutenue par une belle sophistication des moyens techniques mis en œuvre, au nombre desquels les effets de lumières et ses éclairants jeux de poursuite. La grande richesse de cette création qui se joue des codes théâtraux, non sans les avoir parfaitement assimilés au point de les mettre à nu, entraîne la gaîté ! Les plus grandes citations de l’œuvre de Victor Hugo prennent ici un relief particulier, quasi pédagogique. Émaillée d’intermèdes musicaux empruntés à divers répertoires, ponctuée par l’intervention d’une fanfare en live, la mise en scène éclate le récit en multipliant les facéties dont on se délecte dans une joie quasi-enfantine. 

Marie-Emmanuelle Dulous de Méritens