Théâtre - Critique

Les Heures terribles et noires du Royaume de Castille et l’affligeant secret des enfants perdus

Les Heures terribles et noires du Royaume de Castille et l’affligeant secret des enfants perdus - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Soleil


Théâtre du Soleil / Texte et mes Charlotte Andrès et David Levadoux

On passe du VIIIème au XVème siècle, puis au XVIIIème siècle et enfin au XXème, sans ordre et sans constance temporelle, en revenant très souvent en arrière et en effectuant de nombreux sauts en avant. On croise, pêle-mêle, le chevalier Roland et sa fiancée Aude, la reine Isabelle la Catholique et une tentative de roi Ferdinand, un soldat sarrasin et Christophe Colomb, Voltaire, un double féminin de Michel Polac, un personnage sorti d’une pièce de Shakespeare, le Grand Inquisiteur Tomás de Torquemada, des troubadours, Dieu le père, Jésus-Christ et le Saint-Esprit, ainsi que les comédiens d’hier ou d’aujourd’hui qui incarnent ces figures historiques. On va du champ de bataille de Roncevaux au Palais de l’Alhambra de Grenade, d’une clairière du Bois de Vincennes à une mer déchaînée et un plateau de télévision. Un beau fouillis, a-t-on envie de dire, un beau galimatias comme le revendique la chanson finale des Heures terribles et noires du Royaume de Castille et l’affligeant secret des enfants perdus. Car on pousse volontiers la chansonnette dans cette farce qui louche du côté de l’absurde, du roman picaresque et des Monty Python. On joue du tambourin et de la flute, on se prend pour une mouette ou on se laisse déborder par l’emphase lyrique d’une (fausse) improvisation.

Pieds de nez et mises en abyme

Théâtre dans le théâtre dans le théâtre dans le théâtre, la création de la Compagnie du Radis Couronné part dans tous les sens pour faire le récit d’une légende à réinventer : celle du chevalier Roland qu’Isabelle la Catholique veut voir réécrite, en 1492, afin que le guerrier franc survive aux assauts des Sarrasins et apparaisse aux yeux de tous comme le vainqueur de Roncevaux. On assiste donc à la narration de cette histoire elle-même en train d’être imaginée, en 1740, par une troupe de comédiennes et comédiens qui se prépare, non sans difficulté, à jouer cette pièce visant à dénoncer le fanatisme religieux devant Voltaire. Ne se laissant entraver par aucun obstacle, faisant flèche de tout bois pour créer le « théâtre total » auquel ils aspirent, Julie Autissier, Dan Kostenbaum, David Levadoux, Valérie Pangallo, Arthur Viadieu et Hélène Vitorge débordent d’énergie, mais ont du mal à ajuster leurs effets. Lestée par trop d’approximations, de longueurs, de déséquilibres, la représentation loufoque à laquelle ils donnent corps peine à nous faire voyager dans son monde. L’entreprise est bien sûr sympathique. On reste pourtant au seuil de ce bouillonnement scénique qui mériterait davantage de précision pour faire rire, pour surprendre.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement


Les Heures terribles et noires du Royaume de Castille et l’affligeant secret des enfants perdus
du mercredi 23 février 2022 au dimanche 20 mars 2022
Théâtre du Soleil
Théâtre du Soleil, Cartoucherie de Vincennes, Route du Champ de manœuvre, 75012 Paris

Du mercredi au vendredi à 20h, les dimanches à 15h. Durée de la représentation : 1h45. Tél. : 06 07 94 24 85. www.theatre-du-soleil.fr


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