Théâtre - Critique

Les Hérétiques

Les Hérétiques - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Aquarium


de Mariette Navarro / mes François Rancillac

Assise parmi les spectateurs, une femme inaugure le spectacle en faisant part de son désarroi, de sa sensation que la pensée comme les mots se rétrécissent et s’embrouillent. L’obscurité a pris le pas sur la clarté des esprits. « Je ne crois plus en l’éclairage public », regrette-t-elle. Elle déplore aussi que les religieux imposent par la force leurs vues dans l’espace public, cherche un moyen de contrer cette folie collective, et prend rendez-vous avec « les Hérétiques ». Des sortes de Femen peut-être… Les trois femmes qu’elle découvre se définissent plutôt comme des sorcières, que le pouvoir religieux a fait souffrir dans leur chair, et qui vont soumettre la visiteuse à un rituel pour savoir si elles peuvent lui faire confiance. S’invite aussi une martyre rayonnante, souriante, voilée de blanc : Blandine, évoquant la pureté du Royaume de Dieu. Telle est la trame initiale du texte que François Rancillac a commandé à Mariette Navarro, autour du thème de la laïcité, soit la garantie de la liberté de conscience, dont il estime qu’elle est aujourd’hui brandie « pour justifier tout et son contraire », et notamment invoquée pour stigmatiser les personnes « qui se réclament de l’islam, ou en ont juste le faciès ». Dans un lieu qui ressemble à une salle de classe en déshérence, désertée par le savoir, la discussion s’engage entre la citoyenne, (Stéphanie Schwartzbrod), les trois sorcières (Christine Guênon, Yvette Petit, Lymia Vitte), et la martyre (Andréa El Azan). Elle est bien orchestrée par François Rancillac, qui présente ici sa dernière création en tant que directeur du Théâtre de l’Aquarium.

Sorcières anticléricales

Nous sommes en 2028, mais de nombreux éléments font écho à l’actualité récente. Ainsi une scène entre la martyre et les sorcières évoque de manière appuyée l’épisode du burkini. Lors de l’été 2017, plusieurs arrêtés municipaux avaient interdit la baignade en burkini, avant d’être retoqués par le Conseil d’Etat – preuve que finalement l’Etat a su demeurer garant de la liberté de religion. Si la femme en quête de solutions touche par sa sincérité et son questionnement, la manière dont les sorcières et la martyre sont façonnées fait émerger trop souvent une illustration démonstrative. Malgré quelques vives répliques et de jolis traits d’humour, la pièce parfois brouillonne se cantonne à un survol de divers aspects d’un sujet sensible. Les trois sorcières férocement anticléricales traduisent sur scène l’idée exprimée par le metteur en scène d’une laïcité oublieuse de son socle démocratique. Or, pour parler du fond, et puisque la pièce invite au débat et à l’hérésie (au sens grec de choix), il nous semble qu’aujourd’hui en France la liberté de religion est garantie. Ce qui atteint ce qu’on a coutume d’appeler le vivre ensemble, ce n’est pas une remise en cause de la diversité des croyances, c’est plutôt la disparité des richesses, et dans le domaine du politique comme du religieux les dérives extrémistes. « C’est dur d’être aimé par des cons… » soupirait Mahomet sous le trait de crayon de Cabu. C’était en 2006. Les cons se sont depuis largement exprimés, y compris contre d’autres musulmans. Contre Cabu et ses camarades aussi. Disons-le avec force, non à la haine et vive la laïcité !

Agnès Santi

A propos de l'événement


Les Hérétiques
du mercredi 14 novembre 2018 au lundi 9 décembre 2019
Théâtre de l’Aquarium
Route du champ de manœuvre, 75012 Paris.

Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h. Tél. : 01 43 74 99 61.


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