Théâtre - Critique

Les Gens

Les Gens - Critique sortie Théâtre saint denis Théâtre Gérard Philipe


Théâtre Gérard-Philipe – CDN de Saint-Denis / d’Edward Bond / mes Alain Françon

Dans l’interview qu’il accordait à La Terrasse* en octobre 2008, Edward Bond se prononçait en faveur d’un « nouvel art dramatique qui serait à la fois post-épique et pré-épique, social et intime, héroïque et antihéroïque, juste et criminel… ». Quatrième opus de La Quinte de Paris (cycle de cinq pièces écrites pour Alain Françon, qui en a déjà créé trois – Café en 2000, Le Crime du XXIème siècle en 2001 et Naître en 2006 -, la cinquième pièce, Innocence, étant encore inédite en France), Les Gens est donc une nouvelle tentative, de la part du dramaturge britannique, de régénérer l’art dramatique en continuant à prendre ses distances avec la trivialité dont il accuse la majeure partie du théâtre contemporain. Cette tentative nous projette en 2077, c’est-à-dire demain. Demain, dans un monde crépusculaire ravagé par la guerre. Un monde au bord de la tombe, au sein duquel quatre individus se questionnent, se débattent, se confrontent aux autres et à eux-mêmes, aux conditions et aux enjeux de leur survie.

Des vies qui nous malmènent et nous impressionnent

De nouveau, comme dans d’autres œuvres, Edward Bond trace ici au crayon noir la marque de la ruine, de la mort, de la gravité existentielle à travers laquelle il interroge l’énigme humaine. De nouveau, il nous place dans l’inconfort d’un réalisme sans dérobade, d’un ressassement qui prend le risque de lasser et de rebuter une partie du public. Allant et venant sur un bout de terre obscur, Pierre-Félix Gravière, Aurélien Recoing, Alain Rimoux et Dominique Valadié sont les remarquables protagonistes de cette création forte et rude. Ils sont « les gens » délabrés qui – de silences en soliloques, de rétractations en éructations – imposent la présence corporelle, concrète, de vies qui nous malmènent et nous impressionnent. Au sein du décor de Jacques Gabel, sous les lumières sépulcrales de Joël Hourbeigt, un cauchemar presque réel nous saisit et nous échappe, nous ébranle. Ce cauchemar, très paradoxalement, finit par sonner comme une ode à l’existence. C’est tout le talent d’Edward Bond et d’Alain Françon : changer le charbon en diamant.

Manuel Piolat Soleymat

* La Terrasse n° 161

A propos de l'événement


Les Gens
du lundi 13 janvier 2014 au samedi 8 mars 2014
Théâtre Gérard Philipe
59 boulevard Jules-Guesde, 93200 Saint Denis.
Du 13 janvier au 7 février 2014. Les lundis, jeudis et vendredis à 20h, les samedis à 18h, les dimanches à 16h. Relâches les mardis et mercredis. Salle Roger Blin. Durée : 1h35. Tél. : 01 48 13 70 00. www.theatregerardphilipe.com Egalement du 11 au 14 février 2014 à la Comédie de Saint-Etienne, les 19 et 20 février à la Comédie de Valence, du 26 février au 8 mars au Théâtre national populaire à Villeurbanne (relâche le 3 février).

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