Les Femmes de Barbe Bleue, mise en scène de Lisa Guez

Mais pourquoi donc alors que nul ne sait ce qu’il est advenu de ses anciennes épouses, et que sa barbe terrible effraie tant, Barbe-Bleue trouve-t-il encore à se marier ? Pourquoi malgré l’interdiction véhémente la nouvelle épouse ouvre-t-elle la porte du cabinet, et découvre alors les anciennes épouses égorgées ? En s’emparant du conte effarant de Perrault, Lisa Guez aborde la question de la prédation et des rapports de domination dans toute sa complexité et son ambiguïté. Ce qui signifie qu’elle explore aussi la question du désir et des conditionnements, qui transforment les femmes en proies. « Ce qui m’intéresse c’est la complexité singulière des désirs, l’étrangeté de ce mouvement qui fait qu’on joue une partition parfois contre nous-même. » confie-t-elle. Avec cinq comédiennes de forte trempe, elle donne la parole aux femmes assassinées de Barbe-Bleue, à des femmes d’aujourd’hui qui s’entraident et s’interrogent avec humour et détermination sur la possibilité de s’extraire de la fatalité, de se défaire d’une emprise pernicieuse.

Emprise masculine

Lisa Guez précise avoir fondé sa dramaturgie sur l’ouvrage de Clarissa Pinkola Estés, Femmes qui courent avec les loups, qui analyse les mécanismes d’auto-conditionnement. Lauréat du prix du jury et du prix des lycéens Impatience 2019, Les Femmes de Barbe Bleue s’attache à révéler ce qui se trame sous les évidences. Rappelons qu’en 2019, 146 femmes ont été assassinées par leur conjoint ou ex-conjoint en France. Puis Lisa Guez poursuivra sa recherche sur les phénomènes d’emprise avec sa prochaine création, Celui qui s’en alla connaître la peur, qui à l’inverse des Femmes de Barbe Bleue, sera conçue autour de la figure du manipulateur. « Qu’est-ce qui l’anime ? D’où vient le vide de son cœur ? Comment est-il lui-même esclave de toutes les projections qu’il suscite ? » Des questions fondamentales…

 Agnès Santi