Théâtre - Critique

Les Estivants

Les Estivants - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Bastille


Théâtre de La Bastille / de Maxime Gorki / mes tg STAN (Belgique)

Pour le collectif flamand du tg STAN, l’écriture des Estivants (1904) de Gorki correspond à l’avènement de la bourgeoisie russe et au développement intellectuel des classes moyennes. Sur le plateau, parade une variété de personnages ; certains ont réussi matériellement ; d’autres dépendent d’un salaire de fonctionnaire ; des domestiques, quelques sans logis. Cette bonne société russe est en villégiature estivale à la campagne. L’étau tsariste en déliquescence favorise ces conversations complaisantes à propos de la vie qui va, provoquées par une autosatisfaction masquée et doublée d’un idéalisme de jeunesse, soit le fil déroulé de théories sociales progressistes sur l’amélioration de l’existence. À cette insignifiance, l’auteur préfère l’idéalisme responsable de Maria (Hilde Wils), adapté à la société du jour : « … nous sommes des enfants d’ouvriers. Avant, il n’y avait pas de personnes cultivées directement en contact avec les masses populaires. Aujourd’hui, si. Et c’est pour cette raison que nous devons êtres différents. Nous devrions avoir la volonté de changer leur vie, de l’élargir, de l’alléger… » La mélancolique Varia (Jolente de Keersmaeker), l’épouse du bon vivant Bassov (Damiaan de Schrijver), rêve d’un pays mythique irréel, où l’on serait entre « gens simples et sains » qui se consacreraient à des choses importantes…

Humour, ironie et autodérision

C’est que « Le soleil se lève et puis se couche mais notre cœur est plongé dans l’obscurité éternelle », selon l’onirisme de la jeune fille (Minke Kruyver) qui déplore la paresse de ses contemporains. Ces doutes féminins font écho à nos temps actuels marqués par une économie en crise. À l’inverse de ce pessimisme, le tg STAN, conscient de la « bouffonnerie » ambiante, installe un paradis théâtral festif. L’illusion est remisée aux objets perdus : jeu dépouillé sur le plateau, et les personnalités bien frappées des comédiens évoluent de la scène à la salle, et dans la fureur. Sans faillir, ils tissent la trame de l’humour, de l’ironie et de l’autodérision. Voilà l’énergie d’un théâtre de tréteaux, de batteries d’objets et de chaises hétéroclites, de rideaux d’héritage, de grande table conviviale qu’on monte à vue. Les acteurs font leur numéro provocateur de mauvais élèves, ils sont eux-mêmes ou cabotins, comme le plantureux Damiaan Schrijver, juste et généreux dans le contrôle final de soi. Le monde n’est devenu qu’une occasion spectaculaire de gastronomie ostentatoire où l’on boit et mange, et où l’on accumule ses biens : « J’ai envie d’un verre de vin ! ». Ce théâtre se vit dans l’instant présent – perdition ou pas -, à travers la relation jouissive des interprètes et du public dans l’échange et le partage souriant.

Véronique Hotte

A propos de l'événement


LES ESTIVANTS
du mardi 30 octobre 2012 au samedi 17 novembre 2012
Théâtre de la Bastille
76, rue de la Roquette 75011 Paris
Théâtre de La Bastille, 76 rue de la Roquette 75011 Paris. Tél : 01 43 57 42 14 / 01 53 45 17 17. Du 30 octobre au 17 novembre 2012 à 21h. Relâche les 4, 5, 11 et 14 novembre. Dans le cadre du Festival d’Automne à Paris. Durée : 2h30. Spectacle vu au Théâtre National de Strasbourg.

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