Théâtre - Critique

Les Dodos, création collective Le P’tit Cirk

Les Dodos, création collective Le P’tit Cirk - Critique sortie Théâtre Paris Le Monfort


CIRQUE/création collective Le P’tit Cirk

Ils sont si beaux, tous les cinq. Il y a Alice Barraud, la puce enjouée qui éclaire la piste de son regard enfantin. Il y a Basile Forest, le monumental colosse à l’air si tendre. Celui qui se fait appeler Pablo Escobar, l’as de la voltige. Louison Lelarge, le blond aux cheveux en pétard qui fait si bien le cheval. Et Charly Sanchez, le guitariste moustachu, clown latino-russe en bermuda de plage bretonne. Ils sont tous les cinq membres de la compagnie du P’tit Cirk et sont si beaux qu’au terme de ce spectacle d’une heure et demie, une longue standing ovation tente de leur rendre, par les regards, par les applaudissements, toutes les émotions qu’ils viennent de faire vibrer. Ils ont commencé par grimper sur des guitares dont on se demandait bien comment elles pourraient supporter le poids d’un être humain. Ils ont ensuite réussi, dans un rythme parfaitement pesé, alternant prouesses énergiques et épisodes sensibles, à développer des personnages, des relations complexes, une énergie de troupe, une esthétique irrésistible, qui vient emporter l’assemblée dans un époustouflant numéro de voltige, où l’admiration, la peur, mais aussi la tendresse et le rire se sont entremêlés. Les Dodos, titre venu de ces étranges oiseaux de l’Île Maurice, – dont la race s’est éteinte en raison de l’activité humaine et qu’on se représente souvent comme un peu paresseux, gros et maladroits – est sans conteste un spectacle exceptionnel, très émouvant, où la virtuosité circassienne se mêle à une sensibilité scénique de haute volée.

Éloge de la performance et beauté de la fragilité

Dans Les Dodos, voltige, acrobaties et clowneries se succèdent sans paroles et en musique. La guitare est au centre, objet inventivement détourné à des fins circassiennes. Chacun des artistes a enrichi sa partition de nouvelles aptitudes. Charly Sanchez finit par s’essayer au salto. Alice Barraud gratte un peu le manche. Quant au chêne, Forest, il maîtrise le violon, qui dans ses bras immenses a l’air d’un nouveau-né. Il faut dire qu’ici, le cirque ne cède en rien à la performance, mais tout au contraire tend à l’harmonie sans jamais céder au neuneu. Regards bienveillants, petites tapes, bisous et autres baumes au cœur laissent sans cesse affleurer l’esprit tendre d’une troupe qui oscille entre éloge de la performance et beauté de la fragilité, dans un équilibre parfaitement maîtrisé. Des relations d’amour s’esquissent, le masculin et le féminin se mélangent, les personnages évoluent, surprennent, tout en esquissant une continuité. Sous le petit chapiteau jaune installé dans le Parc Georges Brassens, on n’enferme personne dans des identités. C’est ça le nouveau cirque : prouesse et sensibilité, ouverture, invention, humanité. Avec le P’tit Cirk, il tient sans doute l’un de ses meilleurs alliés.

Eric Demey

A propos de l'événement


Les Dodos
du lundi 7 septembre 2020 au dimanche 20 septembre 2020
Le Monfort
106 rue Brancion, 75015 Paris.

Du 7 au 20 septembre à 19h30, le dimanche à 16h, le lundi 14 septembre et jeudi 17 à 14h30. Relâche les 10,15 et 16 septembre. Tel  : 01 56 08 33 88. En tournée ensuite. Durée 1h30.


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