Théâtre - Entretien

Les Chaises d’Eugène Ionesco, mis en scène de Bernard Levy

Les Chaises d’Eugène Ionesco, mis en scène de Bernard Levy - Critique sortie Théâtre Paris theatre de l'aquarium


texte d’Eugène Ionesco / mes Bernard Levy

Comment est née l’envie de monter Les Chaises ?

Bernard Levy : J’ai une grande affection pour les personnes âgées et je cherchais depuis longtemps un texte sur les vieux. Lorsque j’ai monté Beckett avec le comédien Thierry Bosc, je le voyais souvent faire l’idiot, jouer au vieillard, et je le trouvais très drôle. En relisant Les Chaises avec mon dramaturge Jean-Luc Vincent, j’y ai trouvé des choses très intéressantes. Dans les mises en scène que j’en avais vu, le texte était souvent traité de façon un peu grotesque ou bien vampirisé par la performance des comédiens, rendant les personnages archétypaux, ce qui ne me parlait pas vraiment.

 Quelle a donc été votre approche ?

B.L. : J’ai décidé d’aller à l’opposé de ce que j’avais pu voir, et de prendre le texte au pied de la lettre. J’ai imaginé l’histoire de deux personnes ordinaires, qui vivent dans leur maison, leur appartement ou le studio d’une maison de retraite. J’ai eu envie de les voir évoluer à cet endroit. Le personnage de l’Homme a besoin de dire un message au monde – c’est vrai ou pas, mais tout le monde a besoin de dire quelque chose au monde, que ce soit ses quatre vérités ou un « je t’aime ». Une œuvre marque le spectacle : Amour de Michel Haneke. Le spectacle est dit à l’aune de l’immense amour, de l’immense tendresse qui existent dans Les Chaises.

« Tout le monde a besoin de dire quelque chose au monde. »

Le texte est si complexe qu’il paraît difficile de savoir par où le prendre. Est-ce pour cela qu’il est moins joué que les autres pièces de Ionesco ?

B.L. : Justement, je crois que l’endroit où l’on s’est mis, à un carrefour entre le réalisme et l’onirisme, nous a permis de faire ressortir toutes les possibilités du texte. Évidemment, la situation est que des personnages jouent à attendre d’autres personnages et se retrouvent débordés, surtout la Femme. Tout cela est un prétexte pour se dire des choses et dire des choses. Et l’on s’aperçoit alors des fêlures énormes liées à l’enfant que le couple n’a pas eu (ou a eu mais est mort), des fêlures liées à la façon dont ils se sont comportés avec leurs parents, aux fantasmes sexuels qu’ils ont eus mais n’ont jamais pu satisfaire. Tout cela est extrêmement foisonnant.

Vous avez monté Beckett et maintenant Ionesco, deux auteurs souvent considérés comme des maîtres du théâtre de l’absurde. Êtes-vous d’accord avec cette vision ?

B.L. : Il faut tordre le cou à cette classification. Beckett et Ionesco n’ont absolument rien à voir. Le théâtre de l’absurde, qu’est-ce que cela voudrait dire ? Qu’il n’y a pas de causalité ? Qu’on ne sait pas d’où ça vient ? Mais c’est totalement faux ! Prenez le monologue de Lucky dans Godot: beaucoup l’ont interprété de manière rythmique, comme s’il ne voulait rien dire mais il dit constamment des choses, et des choses magnifiques. Simplement il faut les comprendre. Pour un metteur en scène, cette étiquette n’est pas porteuse, elle ne dégage pas de la pensée.

Entretien réalisé par Isabelle Stibbe

A propos de l'événement


Les Chaises d’Eugène Ionesco, mis en scène de Bernard Levy
du mardi 19 mars 2019 au dimanche 14 avril 2019
theatre de l'aquarium
La Cartoucherie, route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris

Du mardi au samedi à 20h. Le dimanche à 16h. Tél. : 01 43 74 99 61.


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