Théâtre - Critique

Lehaïm ! ? à la vie !



Juste avant la chute du Mur de Berlin en 1989, paraissait un ouvrage de la
photographe allemande non juive Herlinde Koelbl sur des hommes et femmes, juifs
d’origine allemande ou autrichienne, qui avaient, pour leur salut, dû fuir leur
pays et la ? solution finale ?. Les portraits de ces exilés, devenus des
notoriétés artistiques, littéraires, scientifiques, politiques et industrielles
sont accompagnés d’entretiens. Dans l’absence de jugement, la quête d’apprendre
et l’espoir incertain de comprendre. En 2003, Bernard Bloch et Bernard Chartreux
ont traduit ces Portraits juifs, l’occasion d’une mise en scène,
Lehaïm ! À la vie !
par Bernard Bloch. Autant de portraits, autant de
commentaires différents sur chaque expérience, mais une seule vérité, la
reconnaissance de l’existence : ? Nous qui sommes restés en vie, nous avons
le devoir de nous identifier à ces morts
 ?. Ainsi parle la détermination
d’Arthur Brauner, producteur de cinéma, revenu vivre en Allemagne. À son actif,
des films à succès, et des films de Fritz Lang, qui lui ont accordé la fortune,
ce qui lui a permis de produire des films plus difficiles dont les sujets n?ont
cessé de tourmenter sa conscience. Israël est pour lui, la condition de la
survie du peuple juif. Simon Wiesenthal, architecte de formation, a passé des
années dans douze camps de concentration avant d’être libéré de Mathausen en mai
1945 par les troupes américaines. Les blessures de l’âme ne guériront jamais
pour lui, est-il besoin de le dire.

Des comédiens sensibles et attentifs à l’être-là du monde.

Il a traqué les criminels nazis car ? il est de la première importance
d’expliquer aux gens où mène la haine quand elle devient le programme d’une
nation ou d’un État.
 ? Wiesenthal ne sait pas si les juifs doivent rester
dans la Diaspora ou émigrer en Israël. La seule certitude, ? c’est que tant
qu’Israël existera, il n?y aura pas de nouvel holocauste.
 ? L’ancien
chancelier Bruno Kreisky a assumé ses fonctions politiques dans la dignité et la
sérénité sans consentir ni à la haine ni à la vengeance. Le philosophe des
religions et biochimiste Yeshayahu Leibowitz se penche aussi sur l’État
d’Israël. Deux possibilités se dessinent pour l’avenir : ? L’une, c’est la
guerre à mort, au sens plein du terme, qui fera d’Israël un État fasciste.
L’autre, la seule possibilité qui puisse éviter la catastrophe, est la partition
du pays
. ? Enfin, le pessimisme revient au réalisateur Curt Siodmak, pour
qui l’influence des Juifs instruits émigrés d’Europe centrale, les fondateurs de
l’État d’Israël, s’étiole. La nature, dit-il encore, peut se passer de l’homme.
Peut-être, mais pas le théâtre quand il est servi rigoureusement par des
comédiens sensibles et attentifs à l’être-là du monde. Hubertus Biermann et son
violoncelle, Jean-François Labouverie, Bernard Bloch, Hélène Ninérola, Paul
Allio, Philippe Dormoy sans oublier la très juste Marylin Even.

Véronique Hotte

Lehaïm ? à la vie !

D’après Portraits juifs de Herlinde Koebl, traduction de Bernard Bloch
et Bernard Chartreux, mise en scène de Bernard Bloch en collaboration avec
Martine Colcomb.

Du 7 mars au 7 avril à la Maison de la Poésie, salle Pierre-Seghers, relâche
les 10 et 18 mars. Rens 0144545300-www.maisondelapoesieparis.com

A propos de l'événement




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