Théâtre - Critique

L’Écume des jours

L’Écume des jours - Critique sortie Théâtre


L’anniversaire du cinquantenaire de la disparition de Boris Vian correspond à la création dramatique de L’Écume des jours par Béatrice de la Boulaye dans l’adaptation scénique de Judith Davis. Au programme, imagination et délire souriant, humour et pianocktail – bar à bruits – , la jeune compagnie de La Bouée ne s’est pas privée des arômes vivifiants qui font le sel tendre et nostalgique de l’Écume des jours. Colin (Romain Vissol) est un jeune homme riche qui vient d’engager Nicolas (Nicolas Guillot), un cuisinier facétieux. Il invite à dîner Chick (Hubert Delattre), un ami ingénieur moins fortuné et passionné de Jeau-Saul Partre. Colin et Chick tombent respectivement amoureux de Chloé (Florencia Cano Lanza) et d’Alise (Manon Jomain), disciple elle aussi du philosophe. Une amie malicieuse du quatuor, Isis (Cindy Doutres), invite la compagnie à une matinée pour l’anniversaire de son caniche. Voilà le ton donné de la légèreté et des jeux de langage, avec l’allusion par exemple à « un kilog de café belge » dans l’échange de cuisinier négocié par Colin avec sa tante. Ces jeunes gens ont tout pour être heureux – le mariage de Chloé et Colin est filmé – mais l’existence en a décidé autrement.

La matière imaginaire, marine et résiduelle, flotte sur le plateau

Chloé souffre d’un mal étrange, un nénuphar sur le poumon, et Chick s’enferme dans sa passion pour les conférences de son icône intellectuelle. Les êtres sont soumis à des forces extérieures incontrôlables. Vian traduit poétiquement l’arbitraire de la destinée humaine : tout peut arriver qui enraye le bon déroulement des heures et des jours en fuite. Symbole de l’éphémère, l’écume est ce qui reste du temps écoulé et de ses anecdotes sans valeur. À travers la scénographie de Rachel Marcus, la matière imaginaire, marine et résiduelle, flotte sur le plateau de théâtre grâce à un voile plastique transparent qui se gonfle et envahit l’espace à seule fin de s’envoler après avoir étouffé la vie. À la fois nuage, vague ou poumon malade, un souffle juvénile prend symboliquement du volume, enfle et disparaît. Les acteurs animent l’espace avec brio, tout à tour narrateurs et personnages de la fable, affublés de costumes clownesques en carton rigide couleur de friandises acidulées. À leur côté, le bruiteur musicien Pierre Gascoin manipule son bar à bruits, et débouche bruyamment les bouteilles quand le Sauternes coule dans les verres. Le décor de jardin d’enfants s’amuse de l’effervescence et de la nonchalance apparente des propos. Une géométrie ludique dessine des modules cubiques de toutes dimensions, recouverts de mousse colorée qui scratche quand on la retire. Papier carton ou plastique, les lambeaux de l’existence se déchirent bien vite. Ce spectacle inventif, malgré quelques longueurs, prouve la compensation possible du vide, en jouant intelligemment.

Véronique Hotte

L’Écume des jours de Boris Vian, mise en scène de Béatrice de la Boulaye, du mardi au samedi à 20h30, relâches dimanche et lundi jusqu’au 11 avril 2009 au Théâtre Dejazet, 41, boulevard du Temple 75003 Paris Tél : 01 48 87 52 55

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