Théâtre - Critique

Le Tartuffe

Le Tartuffe - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Porte Saint-Martin


de Molière / mes Peter Stein

L’art de la mise en scène ne passe pas nécessairement par de grands mouvements de décors, des inventions scénographiques stupéfiantes, des points de vue dramaturgiques iconoclastes. Preuve en est donnée en cette rentrée au Théâtre de la Porte Saint-Martin où Peter Stein (qui fut l’un des cofondateurs, en 1970, du Théâtre de la Schaubühne à Berlin) s’empare du Tartuffe en dessinant les lignes d’un spectacle qui se concentre sur les perspectives humaines de ses différents personnages. Le résultat est imposant. A 80 ans, c’est la première fois que le metteur en scène allemand investit le théâtre de Molière. Il s’est penché sur Le Tartuffe en entomologiste, soucieux de saisir le sens et la portée de chaque vers, de décrypter les points de complexité de chaque situation, de chaque protagoniste. Pour l’accompagner dans son entreprise, il a pensé à Pierre Arditi dans le rôle de Tartuffe, faux dévot manipulateur, et à Jacques Weber dans celui d’Orgon, maître de maison sous influence. Les deux grands comédiens déstructurent avec bonheur le formalisme de l’alexandrin. Ils réinventent aussi – sans coquetterie, par le biais d’une authenticité de chaque instant – le couple que forment leurs deux personnages.

Le parti pris de la rigueur

Rien n’est jamais clinquant dans cette vision du Tartuffe. Le travail effectué par les onze actrices et acteurs réunis sur le plateau, quoiqu’inégal, ne laisse la place à aucune forme de facilité. Là où d’autres auraient forcé le trait, multiplié les renvois et les effets de mise en scène pour signer leur ouvrage, Peter Stein prend le parti de la rigueur et de l’économie. Dans ce spectacle, tout agit en profondeur, dans des zones de l’être que l’on ne peut éclairer à coups d’idées simplificatrices. Loïc Mobihan, qui interprète Valère, révèle ainsi un jeune amoureux d’une pureté saisissante. Manon Combes, elle, fait jaillir l’effronterie virevoltante de Dorine. Quant à Isabelle Gélinas, dans le rôle d’Elmire, elle sculpte avec une rare précision les états d’âme d’une épouse soumise aux frasques de son mari… Mais au-delà de ces belles propositions, c’est bien la relation Tartuffe/Orgon qui s’impose comme le pivot de la représentation. Une relation d’une sensibilité étonnante. Car il y a ici, dans les liens qui unissent Orgon à Tartuffe, quelque chose d’un amour incoercible, Jacques Weber nimbant son personnage d’une fragilité et d’une sincérité inhabituelles. Face à lui, Pierre Arditi opère en véritable orfèvre. Sortant des conventions, le comédien confère à son Tartuffe des nuances d’une grande subtilité. Il rejoint et nourrit, de la sorte, l’ambition d’un spectacle d’une profondeur radicale.

Manuel Piolat Soleymat

 

A propos de l'événement


Théâtre de la Porte Saint-Martin
du vendredi 14 septembre 2018 au dimanche 30 décembre 2018
Théâtre de la Porte Saint-Martin
18 Boulevard Saint-Martin, 75010 Paris.

Du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 20h30, le dimanche à 16h. Durée du spectacle : 2h05. Tél. : 01 42 08 00 32. www.portestmartin.com/


Egalement du 8 au 13 janvier 2019 au Théâtre Montansier de Versailles.


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