La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2013 Entretien Karine Gloanec Maurin / Claudy Lebreton

Le rôle essentiel des collectivités territoriales

Le rôle essentiel des collectivités territoriales - Critique sortie Avignon / 2013 Avignon
Photos : Claudy Lebreton à gauche et Karine Gloanec Maurin à droite Crédits : rien pour Gloanec Maurin / Côtes d’Armor – Thierry Jeandot pour Lebreton

Publié le 26 juin 2013 - N° 211

Aujourd’hui, ce n’est plus l’Etat mais bien les collectivités locales qui font vivre une grande part de la culture. Parmi elles, les départements et régions qu’on voudrait parfois voir se fondre en un, pour des raisons d’économie et de simplification. Quels rôles jouent précisément ces entités dans la politique culturelle du pays ? Entretien croisé avec Karine Glaonec-Maurin, présidente de la commission culture de  l’Association des régions de France, et Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France.

« Aujourd’hui, sans collectivité territoriale, il n’y aurait pas de création, ni de diffusion. » Claudy Lebreton 

« La diversification des tutelles permet d’enrichir le sens d’un projet. » Karine Gloanec-Maurin 

Quelle est la part aujourd’hui des collectivités locales dans la politique culturelle ?

Claudy Lebreton : Hors industrie de l’image, 20% des financements viennent de l’Etat, 80% des collectivités. A commencer par les communes et les intercommunalités, puis les départements et les régions. Il faut être clair : aujourd’hui, sans collectivité territoriale, il n’y aurait pas de création, ni de diffusion.

Karine Gloanec-Maurin : Cette montée en puissance du rôle des collectivités s’est accélérée ces dix dernières années. Pour les régions, par exemple, de 1998 à 2010, on est passé de 1,5 à plus de 3% des budgets consacrés à la culture. Un doublement qui est aujourd’hui menacé car la contrainte budgétaire s’exerce autant sur l’Etat que sur les collectivités.

Prévoyez-vous des baisses du budget consacré à la culture ?

K.G.C. :  Cette année, les budgets culture des régions sont assez stables. Mais sur les années 2014-2015, il va falloir faire des efforts. Comme les budgets consacrés à la culture restent assez faibles en pourcentage, il faut que les élus et conseillers régionaux en charge de la culture se mobilisent pour les préserver.

C.L. : Pour les départements, la question essentielle reste celle de la prise en charge de la politique d’action sociale. Sur 71 milliards de budget des départements, 34 milliards sont consacrés à ce secteur, dont  14 milliards en allocations. De ces 14 milliards, 30% seulement sont pris en charge par l’Etat. Cette compensation doit impérativement augmenter pour préserver nos budgets.

Vos compétences respectives sont-elles bien définies, n’y a-t-il pas empilement entre les deux entités administratives ?

C.L. : La culture rentre dans le champ des politiques volontaristes non obligatoires. Et quand Nicolas Sarkozy a remis en cause la clause de compétence générale, les acteurs culturels se sont engagés à nos côtés pour que nous la conservions. Ils savent bien que si une porte se ferme pour les financements, il est toujours bon d’en avoir une autre où toquer.

K.G.M. :  Effectivement, on s’est battu pour qu’il y ait cette abondance de financements mais aussi parce que la diversification des tutelles permet d’enrichir le sens d’un projet, de le décliner selon le territoire, et également de le pérenniser en ne le soumettant pas à un seul pouvoir politique.

Pour autant, ne faudrait-il pas davantage clarifier le rôle de chacun ?

K.G.M : Bien sûr qu’il y a besoin de clarification, mais tout le monde est plus ou moins d’accord sur leur répartition. Aux départements la lecture publique, les archives et la fonction sociale, et aux régions le développement économique, l’aménagement du territoire, entre autres. N’oublions pas que toutes les collectivités se concertent, qu’il y a beaucoup de lieux, comme le conseil des collectivités (CCTDC), où nous sommes en dialogue.

C.L. : On peut aussi développer des fonds mutualisés, ou développer un guichet unique pour ne pas multiplier les instructions de dossiers. On y gagnerait certainement en efficacité.

On voit aujourd’hui la culture souvent instrumentalisée par les élus comme levier économique pour le territoire aux dépens d’un discours sur le sens. Quel est votre regard là-dessus ?

C.L. : Tout d’abord, il faut rappeler que la culture est effectivement un levier de développement économique. Ne serait-ce qu’en termes d’emplois, c’est un secteur où travaillent trois cent à quatre cent mille personnes. C’est un paramètre qu’on ne peut pas négliger.

K.G.M. :  Il y a eu une tentation un peu démagogique de défendre la politique culturelle en termes économiques. Et il faut effectivement rappeler le sens de notre engagement pour la culture en tant que soutien à la création artistique, en vue de l’épanouissement de chacun, et pour créer du lien social.

C.L. : La culture sert évidemment avant tout à poser la question du sens, à questionner notre existence, nos engagements, à favoriser l’ouverture à l’autre et le vivre ensemble. Dans ce cadre, la politique culturelle est aussi un choix d’aménagement du territoire et de solidarité entre les territoires.

K.G.M : Aujourd’hui, après une période où les régions jouaient la concurrence entre elles via leur politique culturelle, on essaye à l’association des Régions de France de favoriser la connaissance entre régions pour toujours rapprocher la culture des citoyens. On n’a plus les moyens de mettre en place des dispositifs qui ne tiennent pas compte des expériences des uns et des autres.

Propos recueillis par Eric Demey

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