Théâtre - Critique

Le Projet RW

Le Projet RW - Critique sortie Théâtre


Savoir mêler les genres scéniques est un rêve auquel peu d’artistes accèdent. Le collectif Quatre Ailes avec le metteur en scène, scénographe, vidéaste et plasticien Michaël Dusautoy tient brillamment le pari, le temps d’une envolée aérienne jusqu’aux cintres du théâtre où s’entremêlent le cirque, le verbe et le film d’animation. La virée est sportive et esthétique, elle prend sa source à la plume singulière de l’écrivain helvétique Robert Walser, auteur de La Promenade, une nouvelle écrite à l’écoute profonde du monde environnant. Sur le plateau, l’homme de lettres à sa table (le comédien trapéziste Damien Saugeon) s’élève dans les airs pour contempler les rues de la ville sous un ciel de montagne, un songe fantastique qui n’a de sens que s’il prend appui sur l’immédiat quotidien terrien. Grâce à la vidéo et au théâtre d’ombres, les silhouettes naïves des comédiens et leurs miniatures agrandies s’animent sur le firmament d’un horizon villageois qu’un oiseau à tire-d’aile traverse çà et là. Pour paysage féerique, un clocher d’église, une enseigne de ferronnerie, un bouquet de feuillages et une auberge de campagne près de laquelle passe un vélocipédiste. On verrait presque se balancer dans le vent froid et ensoleillé de l’hiver les tringles de fer des enseignes qui cliquètent.

Un paradis de neige blanche enfantine

C’est aussi la rencontre sur le plateau de quelques figures de chair de l’imagerie populaire des métiers, le Libraire, la Banquière, le Tailleur, l’Hôtesse équivoque qui aimerait voir son invité manger toutes les gourmandises qu’elle a préparées. Walser donne la parole à chacun, et le promeneur dans un soliloque ininterrompu, analyse ces propos logiques ou bien absurdes, comme en passant, mais avec une candeur jouée, amusée et ludique. Le va-et-vient du regard entre les poursuites célestes de l’imaginaire et ses souples retombées à terre provoque une ivresse poétique qui fait appel à la mémoire et à la nostalgie des jours enfuis. Dusautoy, fidèle à l’esprit d’humilité de Walser, dessine une Suisse montagneuse proche des jardins suspendus d’une Babylone réinventée, un paradis de neige blanche enfantine. Vivre ou regarder vivre les autres, c’est égal pour celui qui erre. Le promeneur solitaire meurt un jour de Noël, tombé une fois pour toutes dans la neige après vingt-huit ans d’internement psychiatrique : « Le soir était maintenant tombé, et je parvins alors, par une jolie route tranquille ou un chemin de traverse qui courait sous les arbres, jusqu’au bord du lac, où se terminait la promenade. »

Véronique Hotte

Le Projet RW    
D’après La Promenade de Robert Walser, mise en scène de Michaël Dusautoy, jeudi 20h, vendredi 21h, samedi 19h, dimanche 16h30, du 12 au 22 mars 2009 au Théâtre de la Commune CDN 2, rue Édouard Poisson 93300 Aubervilliers Tél : 01 48 33 16 16

Spectacle vu au Théâtre des Quartiers d’Ivry.

A propos de l'événement




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