Théâtre - Critique

Le Plaisir d’être honnête

Le Plaisir d’être honnête - Critique sortie Théâtre


Durant les trois heures que dure la représentation, la salle reste éclairée en permanence. Pas d’une même lumière constante et uniforme. D’une lumière qui passe par diverses variations de sources et d’intensités. Le plateau, lui, ne bénéficie d’aucun traitement spécifique. Il est inclus dans l’espace global du théâtre qui, ici, ne prévoit pas de séparation entre le domaine de l’acteur et celui du public. Comme si Marie-José Malis voulait ainsi nous signifier que nous sommes tous réunis (spectateurs et interprètes) pour appréhender, ensemble, dans un même mouvement d’exploration, de révélation, de pensée, le texte écrit par Luigi Pirandello en 1917 (Le Plaisir d’être honnête fut la première œuvre de l’auteur italien créée en France, en 1922, par Charles Dullin). Un texte passionnant (présenté dans une nouvelle traduction de Ginette Herry), dans lequel il est question d’artifice et de vérité, notions qui nous mènent bien plus loin que le simple rapport d’opposition qu’elles présupposent. Le motif narratif semble tout d’abord ordinaire. Une jeune fille porte l’enfant d’un homme marié. Son amant et sa mère demandent à un inconnu de l’épouser, afin de sauver l’honneur de la famille. 

L’honnête mari d’une femme convenable

Les choses se compliquent lorsque celui qui accepte de devenir « l’honnête mari d’une femme convenable » transcende le simple jeu de rôle pour se réinventer en homme réellement, fondamentalement honnête. Il accède ainsi à la vérité de l’être qu’il a choisi de devenir. Un être nouveau, un être libre, auquel le comédien Juan Antonio Crespillo confère une profondeur très singulière. A ses côtés, sept comédiens composent les différentes couleurs d’une mosaïque théâtrale âpre et distendue. Une mosaïque traversée par de nombreux effets d’étirements derrière lesquels apparaît, à chaque instant, la signature de Marie-José Malis. Parfois on souffle de trop de lourdeur, parfois on s’agace d’une coquetterie, parfois on regrette que cette mise en scène exigeante flirte également avec une forme de naïveté, avec un esprit de sérieux qui pèse. Pourtant, cette proposition personnelle et pertinente résiste à toutes ces contrariétés. Car elle agit, au bout du compte, comme un prisme révélateur. Nous plaçant face au cœur palpitant du texte de Pirandello, Marie-José Malis parvient, au moins partiellement, à « émettre une parole qui coule dans un flux d’invention et de pensée ».

Manuel Piolat Soleymat    


Le Plaisir d’être honnête, de Luigi Pirandello (traduction de Ginette Herry, texte publié à L’avant-scène théâtre) ; mise en scène de Marie-José Malis ; création lumière de Jessy Ducatillon. Du 24 janvier au 12 février 2012. Les mardis et vendredis à 20h ; les mercredis, jeudis et samedis à 19h ; les dimanches à 17h. Comédie de Genève, 6 boulevard des Philosophes, 1205 Genève, Suisse. Tél : 00 41 22 320 50 01 ou sur www.comedie.ch. Durée de la représentation : 3h.

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