Théâtre - Critique

Le Misanthrope

Le Misanthrope - Critique sortie Théâtre


Alceste aimerait ses semblables s’ils étaient aimables et estimerait leurs vertus s’ils en avaient… Mais vaniteux et creux, flagorneurs et calculateurs, superficiels et médisants, ils n’ont aucune des qualités que ce parangon de misanthropie pose comme conditions de possibilité de ses attachements. Conditions théoriques s’il en est, car pratiquement, celle qui fait fondre le cœur de l’atrabilaire est une coquette qui se rit de l’héroïsme moral de son soupirant à l’éthique intégriste et préfère ne pas renoncer aux plaisirs de la société lorsqu’il l’invite à partager avec lui l’austérité d’un désert qui protègerait leur amour des vilénies mondaines. Alceste révèle d’ailleurs lui-même la laideur morale qu’il dénonce chez ses contemporains en proposant à la douce Eliante d’être l’instrument de sa vengeance lorsqu’il se pique de vouloir humilier Célimène. Subtile est la leçon qu’assène ainsi Molière à tous les censeurs…
 
Une proposition plate et vaine
 
Partant de l’évidence que l’hypocrisie, l’amour et la jalousie sont des sentiments intemporels, Enrico di Giovanni fait le pari d’en montrer la modernité par un prologue qui constitue la seule invention dramaturgique de son spectacle. Eliante feuillette Elle sur une méridienne en peau de vache. Célimène arrive sur fond de musique électro et les deux cousines s’élancent, guillerettes, vers les joies du monde à grands renforts de moulinets de sacs à main et de déhanchements de gagneuses… Les préciosités du Grand Siècle sont donc d’emblée noyées dans une vulgarité kitch que la mise en scène distille à l’envi : petits marquis singeant les invertis priapiques, Oronte à la dégaine de souteneur, téléphone portable et oreillette intempestifs et autres pesanteurs faussement drôles… Tournant autour du canapé et arpentant la scène de jardin à cour sans aucune originalité scénographique, les comédiens débitent leur texte en ne parvenant pas à faire surgir la moindre émotion de leur jeu. Enrico di Giovanni a voulu rendre l’alexandrin audible aux oreilles d’aujourd’hui en cherchant « le sens, la pensée au travers des mots ». L’entreprise conduit à une forme de déstructuration saccadée péniblement laborieuse. L’ensemble compose un spectacle d’une platitude confondante, sans aucun intérêt.
 
Catherine Robert

Le Misanthrope ou l’atrabilaire amoureux, de Molière ; mise en scène d’Enrico di Giovanni. Du 8 janvier au 21 février 2009. Du mercredi au vendredi à 20h30 ; samedi à 17h et 21h ; dimanche à 15h. Matinées supplémentaires le 27 janvier et le 3 février à 18h. Théâtre Mouffetard, 73, rue Mouffetard, 75005 Paris. Réservations au 01 43 31 11 99.

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