Théâtre - Critique

Le dernier ogre de Marien Tillet, nos évidences bousculées

Le dernier ogre de Marien Tillet, nos évidences bousculées - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre Dunois


Théâtre Dunois

« A partir de maintenant, on cultive ce qu’on mange, on mange ce qu’on tue et on ne gâche rien », explique ce père de famille qui a choisi de quitter la ville pour aller s’installer à la campagne avec femme et enfants. Voulant vivre l’expérience de l’autosubsistance, il a convaincu les siens d’entamer une nouvelle existence fondée sur d’autres habitudes alimentaires et un nouveau rapport à ce qui les entoure. Fini, pour eux, la nourriture à la qualité suspecte et la traçabilité douteuse. Dorénavant, leurs repas seront pensés, considérés à la lumière d’observations éthiques liées à la question du vivant, du tué, de la nécessité, de l’interdit, du sacré… Ce père s’adresse à nous à travers un ton et des mots d’une grande simplicité. Sans effet de gestes ou de voix. Cette manière de dire – naturelle, directe – tranche avec les ornementations vocales du slam en alexandrins au sein duquel nous plonge le même comédien (le remarquable Marien Tillet, également auteur et metteur en scène du spectacle) lorsqu’il donne la parole à l’Ogre du Petit Poucet.

Une mélopée musico-slamée

Le fondateur de la Compagnie Le Cri de l’Armoire fait ainsi alterner deux voix et deux histoires : dans des ambiances entre clair et obscur (les lumières et la scénographie sont de Samuel Poncet qui dessine en direct, par le biais de jets d’eau, derrière une toile disposée en fond de scène, un paysage énigmatique reprenant certains motifs des récits qui nous sont adressés), accompagné à la guitare par Mathias Castagné (qui signe la création musicale). Ces histoires finiront par se rejoindre de manière inattendue. En moins d’une heure, Le Dernier Ogre nous embarque dans les courbes dangereuses d’un monde à dimensions multiples. Un monde puissant, radical, à la fois grave et railleur, concret et onirique. On est loin des univers édulcorés ayant pour objet de nous distraire, d’arrondir les angles de la réalité. Marien Tillet, Mathias Castagné et Samuel Poncet enfoncent le clou de questionnements qui n’ont rien d’inoffensifs. Qu’est-ce qu’une âme ? Qu’est-ce qu’un corps ? Qu’est-ce qu’une mort naturelle ? De quelles chairs a-t-on légitimement le droit de se nourrir ? Ces interrogations nous interpellent. Elles ouvrent des pans entiers de réflexions, viennent éclairer quelques impensés et bousculer des évidences.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement


Le dernier ogre
du jeudi 19 mai 2022 au samedi 21 mai 2022
Théâtre Dunois
7 rue Louise Weiss, 75013 Paris

Le 19 à 19h, vendredi et samedi à 20h. Tél : 01 45 84 72 00. Durée : 1h. Spectacle vu au Théâtre de Châtillon.


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