Avignon - Entretien Mounya Boudiaf

Le courage face à l’incompréhensible

Le courage face à l’incompréhensible - Critique sortie Avignon / 2015 Avignon Présence Pasteur


Présence Pasteur / Haine des femmes / d’après Laissées pour mortes de Nadia Kaci / adaptation et mes Mounya Boudiaf

« Je ne comprends pas ; et j’espère ne jamais comprendre. »

Comment avez-vous découvert ce texte ?

Mounya Boudiaf : Alors que je jouais Les Oranges d’Aziz Chouaki, je cherchais à me documenter sur l’Algérie. Que s’était-il passé dans ce pays après la décennie noire ? On trouve beaucoup de textes sur la colonisation et ses conséquences, mais quasi rien sur l’Algérie contemporaine. Le texte de Nadia Kaci, lui, en témoigne, ainsi que de la situation faite aux femmes. J’ai décidé de l’adapter, j’en ai fait une lecture aux Francophonies en 2012, pour tester si la langue pouvait toucher le spectateur : ça a été un véritable coup de poing ! Et quand nous l’avons joué, le texte a pris une dimension encore plus forte.

Pourquoi choisir deux voix pour l’adaptation ?

M. B. : Le personnage masculin inventé, l’avocat, écoute l’histoire et prend en charge le témoignage d’une autre victime. Il pose des questions, elle raconte sa vie, il avance avec elle et c’est lui qui raconte la nuit du massacre. Je voulais que ce soit l’homme qui dise cette parole, qu’il décrive cette nuit-là en tant qu’homme, et se mette à comprendre les femmes qui ont été massacrées. A chaque fois, on regarde les choses en périphérie. On ne croit pas la parole de la femme de prime abord, on ne s’intéresse pas à son point de vue intime. On s’intéresse aux hommes autour, en se demandant comment un tel lynchage est possible, mais on n’écoute pas les femmes, le courage des femmes, leur intelligence et leur dignité.

Ne peut-on donc pas comprendre ?

M. B. : Pour ma part, je joue ce spectacle parce que je ne comprends pas ; et j’espère ne jamais comprendre. Même en France, où pourtant le droit nous protège, combien de femmes meurent-elles encore sous les coups de leur mari ? Le chemin est à faire partout. La bataille juridique pour faire reconnaître ce crime a été très longue. Il a fallu trois procès, une valse incessante entre juges et politiques : Rahmounah Salah et Fatiha Maamoura ont dû se battre de façon incroyable pour réclamer justice. Leurs voix n’ont pas été entendues en Algérie. Aujourd’hui encore, Rahmouniah Salah ne peut pas rentrer dans son pays. A quel point peut-on vouloir éteindre cette parole ? Voilà la question que je pose et voilà pourquoi je crois qu’il faut centrer les choses sur la lutte, regarder le courage des femmes plutôt que la périphérie des raisons.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement


Haine des femmes
du samedi 4 juillet 2015 au samedi 25 juillet 2015
Présence Pasteur
13 Rue Pont Trouca, 84000 Avignon, France

Avignon Off. 


à 21h35, relâche le mardi. Tél. : 04 32 74 18 54.


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