Théâtre - Critique

Le bonheur (n’est pas toujours drôle) de Rainer Werner Fassbinder, par Pierre Maillet

Le bonheur (n’est pas toujours drôle) de Rainer Werner Fassbinder, par Pierre Maillet - Critique sortie Théâtre SAINT ETIENNE Comédie de Saint-Etienne


d’après les scénarios de Rainer Werner Fassbinder / mes Pierre Maillet

La toute récente publication chez L’Arche, en un seul volume, des scénarios de Tous les autres s’appelle Ali, du Droit du plus fort et de Maman Küsters s’en va au ciel, témoigne de la porosité entre théâtre et cinéma chez Rainer Werner Fassbinder (1945-1982). Drames de l’amour impossible qui mettent en scène familles bourgeoises et prolétaires isolés, ces films réalisés entre 1974 et 1975 présentent des thèmes et une construction proches de ceux qui traversent les pièces de l’auteur, metteur en scène et réalisateur allemand. C’est cette cohérence, portée par une ambition et une urgence constante, qu’a voulu mettre en avant Pierre Maillet dans Le bonheur (n’est pas toujours drôle). Familier du théâtre de Fassbinder, dont il a monté la quasi-intégralité, il souligne aussi en adaptant les trois films cités plus tôt la veine mélodramatique de l’artiste disparu prématurément, à l’âge de 37 ans. Et qui, en une dizaine d’années, a réalisé pas moins de 40 films et écrit pas moins de dix pièces qui forment une sorte de « comédie humaine ». Acte de foi dans la capacité du théâtre à égaler le septième art en matière de fictions complexes, ce projet met ses huit comédiens – pour moitié environ issus de l’École de la Comédie de Saint-Étienne – à rude contribution. Changeant de rôle non seulement d’une partie à l’autre, mais aussi très souvent au cours d’un même volet, ils sont chargés d’incarner toute l’aliénation, tous les rapports de classe et de propriété amoureuse qui, dans les longs métrages, sont portés par plus de 80 personnages.

Marathon Fassbinder

Dans les films de Fassbinder, le silence et la tristesse des personnages principaux laissent à de nombreux protagonistes secondaires, à de multiples figures, le temps de développer de brèves scènes qui contribuent au tableau général. Une complexité que, faute de chercher à suffisamment la transformer, Pierre Maillet ne parvient pas à restituer. Or cette épaisseur du détail est pour beaucoup dans la mélancolie particulière qui se dégage des films de Fassbinder. Nombreuses dans les trois scénarios, les scènes de cabaret et de bar auraient pu être le point de départ d’une théâtralité singulière ; trop répétitives et banales, elles ne suffisent pas à justifier le rassemblement de trois histoires. À commencer par celle de Franz Biberkopf alias « Fox » (Arthur Amard), forain qui gagne à la loterie et tombe amoureux d’Eugen, fils d’un imprimeur en faillite qui s’accapare toute sa fortune. Plaqué au scénario du Droit du plus fort, dans lequel Pierre Maillet n’a fait que des coupes discrètes, cette première partie n’était pas indispensable. Grâce à l’excellente Marilú Marini, célèbre notamment pour sa longue collaboration avec Alfredo Arias, qui en incarne les héroïnes, les deux dernières gagnent en force. Avec son accent argentin, c’est elle qui fait le plus grand pas de côté par rapport aux films de Fassbinder. C’est elle aussi qui touche au plus près la maladie existentielle qui ronge tous ses personnages. Même si, réduit à 30 minutes, Tous les autres s’appellent Ali ne lui laisse pas le temps d’aller jusqu’au bout de sa quête.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement


Le bonheur (n’est pas toujours drôle) de Rainer Werner Fassbinder, par Pierre Maillet
du mardi 5 février 2019 au jeudi 7 février 2019
Comédie de Saint-Etienne
Place Jean Dasté, 42000 Saint-Etienne

à 19h. Tél : 04 77 25 14 14. www.lacomedie.fr. Spectacle vu à la Comédie de Caen.


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