Théâtre - Critique

Le bonheur des dames de Zola

Le bonheur des dames de Zola - Critique sortie Théâtre Paris Vingtième Théâtre


Critique/Vingtième Théâtre / texte et mes Florence Camoin

« C’est l’histoire d’amour parfaite. », dit Florence Camoin à propos de la romance entre Denise, la jeune Valognaise montée à Paris, et Octave Mouret, le directeur ambitieux et inventif du premier grand temple du consumérisme moderne. Alexis Moncorgé et Olivia Demorge offrent leurs sémillants minois à cette romance idéale pour faire rêver Margot. La bergère provinciale est vertueuse et d’une austère beauté, le prince du colifichet est caressant, dynamique et charmant : on est pris par cette intrigue amoureuse talentueusement incarnée. Le théâtre que met en scène Florence Camoin est comme le bon pain, et on se plaît à se laisser émouvoir par cette bluette sentimentale, si gentiment interprétée. Autour des deux tourtereaux, plane la menace fielleuse et jalouse de Madame Desforges (superbe Caroline Darnay), s’ébattent les rombières écervelées d’un Second Empire apôtre du profit et des plaisirs soldés, tout le petit peuple de la misère en habit noir et les victimes désespérées, que ruine l’insolent succès de Mouret : tous les comédiens tiennent leur partie avec un abatage et une vérité remarquables.

 

Petite et grande histoire

Mais derrière la petite histoire, se cache la grande : l’adaptatrice et metteuse en scène a voulu montrer combien la révolution commerciale inaugurée par Boucicaut (modèle du Mouret de Zola) avait changé la condition et l’image de la femme. Offrant un emploi et l’occasion d’une promotion sociale aux plus humbles et la possibilité, pour les plus fortunées, d’accéder à l’indépendance papillonnante du caprice dépensier, les grands magasins sont l’occasion d’une émancipation, même si la laisse qui attache la gente féminine au doux commerce est aussi efficace que celle qui la maintenait au foyer… Florence Camoin réussit aussi à suggérer le cynisme bonhomme et le paternalisme odieux des nouveaux marchands : la dernière scène rappelle la magnifique diatribe de Michel Simon dans le film d’André Cayatte, prédisant la ruine à venir de celui qui a construit son Léviathan en dentelles et faille de soie sur le cadavre des propriétaires des échoppes avoisinantes. La troupe réunie par Florence Camoin ressuscite la fièvre acheteuse et amoureuse du roman de Zola avec un solide talent, pour un spectacle théâtralement efficace et plaisamment romanesque.

 

Catherine Robert

A propos de l'événement


Le bonheur des dames
du jeudi 30 octobre 2014 au dimanche 30 novembre 2014
Vingtième Théâtre
7 Rue des Plâtrières, 75020 Paris, France

Du jeudi au samedi à 19h30 ; le dimanche à 15h. Tél. : 01 43 66 01 13. Durée : 1h30.


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