Le 66 ! de Jacques Offenbach, mise en scène de Victoria Duhamel

Le Palazzetto Bru Zane, le centre de musique romantique française, m’a proposé de monter une opérette en un acte d’Offenbach. Parmi la pléthore d’œuvres, j’ai choisi Le 66 ! qui m’a semblé le parangon du genre : la partition est très bien écrite, les numéros s’enchaînent, la musique est savoureuse, et en sous-main affleurent des thématiques qui m’intéressaient. L’histoire est celle d’un Tyrolien, Franz, qui espère s’émanciper de sa condition sociale en gagnant à la loterie. Il est accompagné d’une jeune femme, Grittly, qui est amoureuse de lui ou en tout cas décidée à soumettre son existence à ce projet d’amour. Les assignations de classe et de genre, très banalisées à l’époque, nous sautent aux yeux aujourd’hui. J’aime beaucoup l’ambivalence du 66 ! où la violence affleure alors que le spectacle est léger. Ainsi, quand Grittly chante son amour et combien elle est triste que cet amour rencontre un obstacle, il s’agit d’un très beau passage de l’œuvre, mais cet air s’inscrit dans l’idée qu’elle n’a pas d’autre perspective.

Une vraie loterie pour le public

Ce qui m’a également décidée à monter cette opérette est l’expérience du jeu par l’intermédiaire du personnage de Franz. J’ai eu envie d’instaurer un écho entre sa temporalité et ses enjeux, et la temporalité et les enjeux que peuvent connaître les spectateurs assis dans une salle. De quelle liberté dispose le public ? Une vraie loterie sera organisée et le public sera invité à réagir, à participer, à lever la main… Si cette participation, qui est aussi une forme d’injonction, amusera certains, peut-être mettra-t-elle d’autres mal à l’aise. On peut se demander si la participation ne constitue pas une fausse liberté, ne serait-ce que parce qu’elle s’inscrit dans le cadre d’une représentation. »

 Entretien réalisé par Isabelle Stibbe