« Tout m’avale. Quand j’ai les yeux fermés, c’est par mon ventre que je suis avalée, c’est dans mon ventre que j’étouffe ». Dès les premières phrases, la langue de L’Avalée des avalés de Réjean Ducharme (1941-2017) nous happe et nous surprend. D’autant plus qu’elle sort de la bouche d’une enfant : Bérénice Einberg, dont la famille installée en banlieue de Montréal « ne roule pas sur des roulettes ». Publié en 1968, ce livre a révolutionné les manières d’écrire l’enfance et érigé son auteur au rang de figure de proue de la littérature québécoise. Pour Lorraine Pintal, l’adapter pour la scène était donc à la fois une évidence et un pari risqué.
Rêves et révolution
Fascinée depuis l’adolescence par la prose « dérangeante, exigeante, désespérément vivante » de Réjean Ducharme, la directrice du Théâtre du Nouveau Monde à Montréal l’aborde à partir du ventre de la mère de Bérénice. Pour explorer ensuite les jeux et les rêves de la jeune narratrice et de son frère Christian, unis par un amour plus que fraternel. Et par un sens de la révolte qui incite Lorraine Pintal à situer son travail dans le Québec des années 60. En pleine « Révolution tranquille », pendant laquelle le pays connaît de nombreuses avancées sociales, économiques et politiques. Dans une scénographie minimaliste, les comédiens Sarah Laurendeau, Louise Marleau et Benoît Landry portent haut le verbe enflammé de cette Avalée des avalés.
Anaïs Heluin
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