Théâtre - Critique

Laurent Natrella met en scène « Fantasio », une traversée fantasmagorique pétrie de fantaisie

Laurent Natrella met en scène « Fantasio », une traversée fantasmagorique pétrie de fantaisie - Critique sortie Théâtre Carouge Théâtre de Carouge


Théâtre de Carouge / tournée / texte d’Alfred de Musset / mise en scène Laurent Natrella

Si Laurent Natrella, ex-sociétaire de la Comédie-Française, Scapin très applaudi des Fourberies d’Omar Porras, a décidé de mettre en scène Fantasio, c’est pour le poème autant que pour éclairer et mettre en jeu la fougue et la fulgurance de la jeunesse. Une jeunesse fondamentalement désenchantée, déboussolée, prompte à se griser grâce au philtre du vin, mais cependant en quête de sens. Un peu comme aujourd’hui, où la jeunesse se désole tout en cherchant des moyens de mieux envisager l’avenir, de donner leur chance aux rêves. Créé l’an dernier au Théâtre Kleber-Méleau, programmé au Théâtre de Carouge avant une tournée en France, la pièce rassemble des comédiennes et comédiens très talentueux fraîchement sortis des écoles de théâtre suisses, qui interprètent la traversée fantasmagorique où s’entrelacent verve comique et veine tragique. Rappelons brièvement l’intrigue qui mêle l’intime et le politique, partition écrite par un jeune Musset désespéré par l’échec de La Nuit vénitienne et par quelques déboires amoureux. La Princesse Elsbeth (Loubna Raigneau) est sur le point d’épouser l’horrible et ridicule Prince de Mantoue (Pierre Boulben), une union arrangée qui permet au royaume de Bavière d’éviter la guerre. « Je laisse mon bon père être un bon roi », dit Elsbeth, à la fois forte tête, lucide et rêveuse, actant son sacrifice de jeune princesse que les impératifs emprisonnent. Sauf que le flamboyant Fantasio (Hugo Braillard) va s’en mêler.

Une bouffonnerie où le désespoir masque un désir d’idéal

Criblé de dettes, lassé de sa misérable condition, plombé par l’ennui et un apparent mépris de toute chose, le jeune homme parvient à remplacer au pied levé le fou du Roi qui vient de mourir et que la princesse Elsbeth chérissait. Zacharie Heusler (le roi), Clément Etter (Marinoni, l’aide de camp du Prince de Mantoue), Linna Hassan Ibrahim (la gouvernante), Ismaël Attia (Spark) complètent la distribution, sans oublier Françoise Gautier, « esprit du conte » et musicienne magicienne qui agit en discrétion. Tout en contrastes, les superbes costumes de Bruno Fatalot accentuent la fantaisie. La scénographie de Fredy Porras offre un cadre idéal à l’action, laissant libre cours à un jeu débridé, aux rapports de force qui s’exercent de diverses manières. Certains moments particulièrement justes et bien orchestrés se déploient, quoique parfois certaines scènes se laissent un peu trop emporter du côté d’un burlesque appuyé, qui peut tendre à évincer la détresse qui sous-tend le texte. Ce qui est manifeste et qui fait plaisir, c’est que cette création joliment collective, cette bouffonnerie aussi invraisemblable qu’ancrée dans le réel d’un monde menacé, célèbre l’élan de la jeunesse et le pouvoir de l’art. Ils n’ont pas les ailes brisées mais s’ouvrent vers l’avenir…

Agnès Santi

A propos de l'événement


Fantasio
du mardi 23 janvier 2024 au dimanche 11 février 2024
Théâtre de Carouge
Rue Ancienne 37A, 1227 Carouge, Suisse

du mardi au vendredi à 19h30, samedi et dimanche à 17h. Tél : +41 22 343 43 43. Durée : 2h. Puis tournée en France, à préciser.


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