Théâtre - Critique

L’Amante anglaise

L’Amante anglaise - Critique sortie Théâtre Paris THEATRE DU LUCERNAIRE


Théâtre du Lucernaire / de Marguerite Duras / mes Thierry Harcourt

Une femme dans un jardin, sur un banc, où pousse de la menthe anglaise. Qui est-elle ? Qu’y fait-elle ? Au fond, même son mari ne le sait pas, comme il ne sait pas pourquoi elle prononce « l’amante anglaise ». Tout juste sait-on qu’elle a commis un meurtre, celui de sa cousine sourde et muette. Elle a avoué le crime – pas de suspens de ce côté-là –, mais il reste la question du « pourquoi ? ». Question essentielle autant qu’insondable, à laquelle tente de répondre pendant la première partie du texte le mari, Pierre Lannes, puis Claire Lannes elle-même, tous deux questionnés sans relâche par un homme, l’Interrogateur, dont on se demande s’il est journaliste ou psychanalyste. Peu à peu, certaines circonstances s’éclairent : le corps a été découpé en morceaux dans la cave, les membres jetés dans des trains de marchandises, mais l’endroit où a été cachée la tête du cadavre et la personnalité de Claire Lannes restent toujours un mystère. Marguerite Duras a écrit cette pièce en 1967 en s’inspirant d’un fait divers authentique de 1949. « Je cherche qui est cette femme, Claire Lannes. Claire Lannes a commis un crime. Elle ne donne aucune raison à ce crime. Alors je cherche pour elle. ». Le personnage de l’Interrogateur, c’est peut-être un écrivain – Marguerite Duras elle-même – avec cette même empathie et cet acharnement à comprendre comment on bascule dans le crime (on se souvient du malheureux « sublime, forcément sublime », à propos de Christine Villemin suspectée d’avoir tué son fils Grégory).

Envoûtante Judith Magre

 Présentée comme un « thriller de l’esprit », cette production déjà donnée au Lucernaire l’hiver dernier met en effet en valeur l’écriture de Duras menée comme un roman policier. La tension des dialogues suffit à rythmer le spectacle malgré le statisme et le manque d’inventivité de la mise en scène de Thierry Harcourt. Malgré sa longue carrière, Judith Magre joue pour la première fois une pièce de Marguerite Duras. Elle dessine une Claire Lannes envoûtante. Tour à tour impérieuse, tranchante, absente, butée, malicieuse et vulnérable, la comédienne rend compte de la complexité de l’âme humaine et des sombres replis de la psyché. Est-elle folle ? Idiote ? Poussée à bout à cause d’un quotidien sans relief auprès d’un époux (Jacques Frantz, imposant et fragile) qui n’a jamais cherché à dialoguer avec elle ? Après 1h30 d’impitoyable maïeutique conduite par un Jean-Claude Leguay bienveillant, on ne sait toujours pas qui est Claire Lannes. Mais on sait que Judith Magre est une très grande actrice.

 

Isabelle Stibbe

A propos de l'événement


L’Amante anglaise
du mercredi 6 septembre 2017 au dimanche 12 novembre 2017
THEATRE DU LUCERNAIRE
53 Rue Notre Dame des Champs, 75006 Paris, France

Tél. : 01 45 44 57 34.


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