Théâtre - Critique

La vie va où ?…

La vie va où ?… - Critique sortie Théâtre


Michèle GuiGon a eu des parents formidables et aimants, des camarades de maternelle morveux ou un peu trop gros, une enfance alsacienne ; elle a connu des hauts et des bas, a fait du grec à l’école, a un épicier sympathique et un ami accordéon. Rien d’héroïque : la vie comme elle va, dans le prosaïque et le quotidien. Et puis Michèle GuiGon a eu un cancer… Rien de très héroïque non plus dans la mesure où le nombre des gagnants à cette loterie-là dépasse largement celui des happy few triés sur le volet… C’est donc mine de rien, comme en douce, que la comédienne annonce cette épreuve supplémentaire qu’elle a franchie comme une contrée hostile qui deviendrait familière à mesure du voyage qui la traverse. L’humilité, l’infinie décence, la délicatesse poignante, la simplicité tordante de drôlerie avec laquelle Michèle GuiGon raconte l’ordinaire de ce curieux combat qu’est la maladie où, paradoxalement, c’est soi-même essentiellement qu’on affronte, permettent à son récit d’éviter les pièges de la complaisance et du pathos qu’un tel sujet fait trop souvent naître. D’autant que le texte est aussi élégant que celle qui le dit, qu’il joue des ellipses comme elle des entrechats, et qu’il force le spectateur à l’empathie en le préservant du voyeurisme.
 
Du rire aux larmes, avec panache et accordéon
 
Construit avec précision et comme guidé par la créativité surprenante d’une association libre savamment maîtrisée, le spectacle évoque non seulement la maladie, mais également tout ce qui amoindrit et ralentit l’existence. Le temps qui passe, l’âge qui transforme les corps, la vue qui baisse et qui rend avant tout moins visible, la perte des cheveux et des illusions : Michèle GuiGon excelle à évoquer le difficile métier de vivre et ses déboires à travers la simplicité de petits riens, de minuscules indices, d’imperceptibles états qu’elle croque avec une efficacité peu commune, d’une plume acérée et tendre. Elle joue en compagnie de son accordéon dont le poumon déplié vient la soutenir quand elle est à bout de souffle et que seule la musique peut signifier en un bouleversant solo tout ce que la vie réserve encore de joie quand la tristesse déploie sa gangrène grimaçante. Des chansons douces émaillent le récit de cette traversée existentielle et viennent avec bonheur calmer le cours interrogateur de ce spectacle, rappelant que l’art est un des meilleurs viatiques pour ce voyage incertain qu’est la vie. Cette vie que Michèle GuiGon traverse en artiste, prouvant avec force et intelligence que vivre n’est rien d’autre que faire œuvre de soi.
 
Catherine Robert

La vie va où ?… de et par Michèle GuiGon. Du 8 janvier au 27 février 2009. Jeudi à 19h15 ; vendredi et samedi à 21h. Lavoir Moderne Parisien, 35, rue Léon, 75018 Paris. Réservations au 01 42 52 09 14.

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