Théâtre - Critique

La Trilogie de la villégiature

La Trilogie de la villégiature - Critique sortie Théâtre


Directeur d’acteurs inspiré et dramaturge cultivé, Alain Françon s’empare avec un plaisir manifeste des trois pièces de Goldoni dites de la villégiatureLa Manie, Les Aventures et Le Retour – réunies sous le titre de Trilogie de la villégiature (1761). Myriam Tanant traduit l’oeuvre du toscan, la langue d’unité nationale que l’auteur visionnaire privilégie déjà. Goldoni s’amuse à fustiger la vanité des bourgeois de Venise, mimant les aristocrates paradant malgré leurs problèmes chroniques d’argent. Les personnages tiennent à distance l’endettement qui les accable pour ne pas déchoir socialement aux yeux de leurs pareils. L’action se situe à Livourne, puis à Montenero, lieu de villégiature toscane pour ces prétentieux en partance annuelle sur leurs terres, s’adonnant à des dépenses extravagantes – fêtes, jeux, dîners et réceptions. Ce petit monde compte avec les parasites et pique-assiettes; et Sabina (Danièle Lebrun), malgré son âge, jette son dévolu sur Ferdinando – le cocasse Michel Vuillermoz -, intéressé par la dotation en vue. Les histoires d’argent s’entrelacent avec les histoires de cœur, et chacun des estivants ne trouve l’amour qu’à moitié, manquant la cible des sentiments vrais.

Comédie cruelle et colorée

Restent les domestiques, Cecco  – Jérôme Pouly – et Brigida – la convaincante Elsa Lepoivre – dont la parole est raison. Ainsi, Paolo – le digne Éric Ruf – déclare à son maître : « Vous n’êtes pas obligé de vous comporter comme les marquis florentins qui ont des propriétés, des domaines immenses, qui occupent les plus hautes charges et les plus hautes dignités. » Mais la vérité n’est pas entendue, et chacun n’en fait qu’à sa tête : les apartés au public en disent long sur la lâcheté, l’âpreté au gain, l’envie et la jalousie. L’attrait de la pièce tient à la virtuosité des scènes à l’intérieur d’un monde fébrile et inquiet malgré les apparences, souriant à contrecoeur aux lumières de la villégiature. Il fallait des comédiens de talent pour donner brio et agilité à cette comédie cruelle et colorée où fusent les sarcasmes méchants. Anne Kessler et Georgia Scalliet exagèrent – mais c’est le ton farcesque de la pièce –  dans le maniérisme et le jeu baroque, s’amusant comme des poupées manipulées par le qu’en dira-t-on. Laurent Stocker est parfait de tension, alternant le sang-froid et la colère. Une belle soirée italienne au Théâtre Éphémère de la Comédie-Française.

Véronique Hotte


La Trilogie de la villégiature, de Carlo Goldoni, traduction de Myriam Tanant ; mise en scène d’Alain Françon. Du 11 janvier au 12 mars 2012. Théâtre Éphémère, Jardins du Palais-Royal, matinée à 14h, soirée à 19h. Théâtre de la Comédie-Française 75001 Paris. Tél : 0 825 10 16 80 (0,15 euro la minute)

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