La Trilogie de la Villégiature

Fresque aussi implacable que réjouissante d’une société en pleine crise de valeurs, aveuglée par une frivolité toute puissante et quasi obsessionnelle, la Trilogie de la Villégiature de Goldoni, l’un de ses chefs-d’œuvre rédigé en 1761, fourmille de portraits mordants, attendris et comiques. Ce feuilleton en trois épisodes débute par les préparatifs de la migration estivale de Venise vers Montenero, localité très prisée, par des bourgeois plus ou moins aisés prêts à s’endetter pour faire bonne figure. Deux familles sont de la partie. Que de jalousies, que de mesquineries, et que de tumultes amoureux naissent à l’occasion de ces vacances… pour finalement au retour de l’été fuir l’amour. Mélancolie et désenchantement, voilà ce qui perdure après la frénésie et l’hystérie. Etre ou paraître, la question n’est pas si facile à trancher pour des personnages empêtrés dans des convenances figées (pas de Révolution en vue). Carlotta Clerici traduit, adapte et met en scène la Trilogie en privilégiant la finesse de la peinture sociale et de la construction psychologique des personnages, situant l’action dans les années 30, entre les deux guerres. Des années source de nostalgie – entre Arsène et Gatsby -, des années encore insouciantes malgré la crise et les nationalismes, alors que chacun approche du gouffre. Le décor est planté pour un portrait amusé, moqueur et cependant… compatissant.

Agnès Santi

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