Théâtre - Critique

La Promesse de l’aube

La Promesse de l’aube - Critique sortie Théâtre


« Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais… On vient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. » La voix de Romain Gary est d’emblée identifiable dans la perception de ces intonations griffées d’ironie et d’humour, de distance et de dérision délicate qui révèlent une sensibilité à fleur de peau. Dans La Promesse de l’aube, le récit à connotation autobiographique est pris en charge scéniquement par Corine Juresco et le conteur Bruno Abraham-Kremer. Celui-ci investit le plateau avec un intérêt plein de feu, il est l’auteur narrateur qui prête à la figure féminine maternelle une attention toute particulière. La mère envahissante a su déclencher chez le jeune homme l’affirmation d’une construction personnelle. Devenir idéalement héros aviateur, puis diplomate, et dans le même temps, homme de lettres, voilà des projets affichés et manifestement un peu fous qui se sont pourtant accomplis. L’actrice Nina Borisovskaia accompagne le fils tant aimé dans ses études, grâce à une présence vigoureuse et passionnée, teintée d’admiration pour la France – sa culture et sa littérature – et pour le statut prestigieux d’ambassadeur. Passant de la misère à la grande vie et vice-versa, de Russie en Pologne jusqu’à Nice, le couple joyeusement infernal de la mère et de l’enfant s’est armé pour la perspective chaotique de la vie.
 
Bruissements intimes de l’être
 
Grâce à l’apprentissage d’aviateur de l’école de l’air et de résistant à l’écoute de l’Appel du 18 juin, en mission dans un ciel dangereux et belliqueux, le fils est fait preux chevalier d’aujourd’hui. Auparavant, il aura fallu passer par de petits arrangements inavouables que la destinée prépare, et de médiocres humiliations maternelles : un fils n’a jamais haï sa mère comme lui, dit le narrateur. Et celle-ci, face aux camarades militaires virils et méprisants de son rejeton, répète : « Alors, tu as honte de ta vieille mère ? » Rien des émotions ni des mouvements de l’âme n’échappe au comédien Bruno Abraham-Kremer, plus conteur qu’acteur dans cette incarnation de gamin bousculé et contrarié mais immensément chéri en dépit des éternelles maladresses maternelles. Il joue le fils – héros manipulé et jouet fragile dans des mains divines -, il est aussi la mère à l’accent slave prononcé, il contrefait les camarades, français, anglais, américains… Rien n’est impossible pour l’artiste quand il s’agit, au son d’une clarinette, de sertir un morceau d’Histoire contemporaine pour que les faits de guerre comme les bruissements intimes de l’être ne connaissent pas l’oubli. La construction de soi, aussi aventureuse soit-elle, a valeur universelle de témoignage, chacun peut se reconnaître dans cette volonté existentielle furieuse.
 
Véronique Hotte

La Promesse de l’aube, de Romain Gary ; adaptation et mise en scène de Bruno Abraham-Kremer et Corine Juresco. À partir du 12 janvier 2012, pour 100 représentations. Du mardi au samedi à 20h45. Théâtre du Petit Saint-Martin 17 rue René Boulanger 75010 Paris. Tél : 01 42 02 32 82 Spectacle vu au Théâtre de la Commune –CDN d’Aubervilliers.

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