Théâtre - Critique

La Promesse de l’aube de Romain Gary, adaptation et lecture de Stéphane Freiss

La Promesse de l’aube de Romain Gary, adaptation et lecture de Stéphane Freiss - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Atelier


Théâtre de l’Atelier / texte de Romain Gary / adaptation et lecture de Stéphane Freiss

« Il n’est pas bon d’être tellement aimé, si jeune, si tôt. Ça vous donne de mauvaises habitudes. On croit que c’est arrivé. On croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais. On est ensuite obligé de manger froid jusqu’à la fin de ses jours. » Avant d’être Romain Gary – mais le fut-il jamais vraiment ? – naquit Roman, fils, espoir, fierté et revanche de Nina. La Russie, la Pologne et puis Nice, la richesse et la pauvreté, les rêves d’envolée sociale et la guerre dans les airs, et la mère, impériale et glorieuse, fantasque et excessive, magnifique et tenace. Cet amour torrentiel que rien ne peut venir endiguer et que canalise la force du récit est connu. Qui s’y frotte risque d’y laisser quelques plumes tant chaque lecteur a souvent fait siens les souvenirs d’enfance du héros aux mille visages et aux cent vies.

Le paradoxe du comédien

Stéphane Freiss, de manière très astucieuse, ne se laisse pas piéger par le risque de l’identification. Il est comédien, l’annonce d’emblée ; il admire Gary et l’avoue immédiatement. On ne peut pas devenir un tel personnage lorsque celui dont on sert la parole a lui-même joué avec les masques et a été élevé pour être à la hauteur de Victor Hugo, comme Hugo voulut être Chateaubriand ou rien ! Stéphane Freiss se garde également de la veine lacrymale et du sentimentalisme lourdaud du fils à maman. Il choisit les passages où l’autodérision du jeune homme se rêvant en grand homme alterne avec l’humour rétrospectif de celui qui sait reconnaître la femme de tête sous la reine de cœur… « Se désappartenir pour éviter de souffrir à cause des promesses que ne tient jamais la vie : je me retrouve dans ce désir-là », dit Stéphane Freiss, qui glisse progressivement de l’extériorité admirative à une interprétation assumée où l’on sent poindre la personne sous le personnage. Que celui qui apparaît alors soit l’auteur ou son interprète mis à nu et révélé par la lecture, que le fauteuil demeuré vide à ses côtés soit celui où s’assied le fantôme de la mère ou celui de l’écrivain, peu importe. Chaque spectateur y installe le souvenir ou le fantasme d’un amour total pour converser avec lui dans le secret de son âme : telle est la magie de la littérature et tel est, parfois, le génie du théâtre !

Catherine Robert

A propos de l'événement


La Promesse de l’aube
du jeudi 10 octobre 2019 au vendredi 15 novembre 2019
Théâtre de l’Atelier
1, place Charles-Dullin, 75018 Paris

Du mardi au samedi à 19h ; dimanche à 17h. Tél. : 01 46 06 49 24. Durée : 1h10.


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