Théâtre - Critique

La Place Royale de Corneille, mis en scène par Claudia Stavisky

La Place Royale de Corneille, mis en scène par Claudia Stavisky - Critique sortie Théâtre Lyon Célestins – Théâtre de Lyon


de Corneille / mes Claudia Stavisky

Comédie de jeunesse de Corneille, écrite en 1634 à l’âge de 28 ans, nommée ainsi en référence à l’emblématique réussite architecturale du Paris nouveau – la toujours superbe Place des Vosges -, La Place Royale  orchestre un imbroglio amoureux où l’éveil de l’amour se heurte à divers obstacles nés surtout des capricieuses complexités de la psyché humaine. De ses excès et contradictions, qui se condensent et se concrétisent en un dilemme intemporel. La liberté ou l’attachement amoureux ? Au cœur du conflit s’immiscent les interrogations du poète du Grand Siècle sur ce qui détermine la naissance de l’amour. Est-il l’expression d’une volonté et d’un désir consentis ? Est-il un joug et une contrainte obligée ? Quid du rôle des parents ? A juste titre, Claudia Stavisky remarque que cette question des premiers émois du désir et de la sexualité telle qu’abordée dans la pièce demeure d’une éternelle actualité. Si la Place Royale fut fréquentée par les milieux favorisés de l’époque, la metteuse en scène souligne l’universalité de cet éveil amoureux, hors de tout contexte. On ne peut que constater que la peur de l’engagement et des contraintes du mariage effraie toujours nombre de jeunes filles et jeunes gens ! Et que sévissent aujourd’hui encore nombre de mariages forcés et de tyrannies domestiques… L’intrigue suit le fil de stratagèmes et chassés-croisés qui transforment un rapt en amour légitime, et un amour éclatant en enfermement solitaire, entre les murs d’un cloître pour elle ou les remparts d’un individualisme froid pour lui. Car Alidor aime Angélique, mais, effaré par le « supplice » du mariage, invente un moyen pour qu’elle s’unisse à son ami Cléandre, qui l’aime aussi. Phylis, amie d’Angélique, se désole que cette dernière n’aime point son frère Doraste, lui aussi épris d’Angélique. Phylis pour sa part affirme préférer fuir les « fausses maximes » et l’oppression d’un amour passionné. Si la pièce est qualifiée de comédie, son dénouement s’avère bien peu heureux.

Est-on libre si l’on aime ?

L’enjeu théâtral majeur consiste à réussir une synthèse qui allie sans affaiblir l’un ou l’autre la forme de l’alexandrin et l’extravagance de l’amour. Les tout jeunes comédiens à qui Claudia Stavisky confie la partition sont formidables de vitalité, d’énergie et de sensualité. Loïc Mobihan (Alidor), Roxanne Roux (Angélique), Camille Bernon (Phylis), Julien Lopez (Doraste), Bertrand Poncet (Cléandre) et Renan Prévot (Lysis) conjuguent une ferme diction et un jeu corporel débridé, laissant voir les chamboulements, les douleurs ou les joies intenses que fait naître le sentiment amoureux. Lili Kendaka a dessiné de très beaux costumes, rappelant par certains aspects le XVIIème siècle mais d’une fluidité très contemporaine. Structurée autour d’un escalier interrompu propice aux jeux de cache-cache, cernée par une inquiétante forêt, sa scénographie crée un espace en ruines et souligne – trop, peut-être ? – cet obscure dimension du désir, objet de fantasmes et pulsions. Heureusement, la fraîcheur des comédiens contrecarre joyeusement la jungle des sentiments et des emportements. « Le cloître a ses douceurs, mais le monde en a d’autres, Qui pour avoir un peu moins de solidité, N’accommodent que mieux notre instabilité. » Qui le dit ? Phylis bien sûr…

Agnès Santi

A propos de l'événement


La Place Royale
du jeudi 9 mai 2019 au mercredi 29 mai 2019
Célestins – Théâtre de Lyon
4 rue Charles Dullin, 69002 Lyon.

à 20h, dimanche à 16h, relâche le lundi, les 12 et 14 mai. Tél. : 04 72 77 40 00. Durée : 1h40.


 


En tournée.  Grand Théâtre de Calais, les 8 et 9 octobre 2019. Théâtre du Peuple – Bussang, les 11 et 12 octobre 2019.


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