La Mandarine Blanche à l’Epée de Bois

Hinterland, de Virginie Barreteau, est créé pour la première fois en France par la compagnie La Mandarine Blanche, qui installe sur la scène de l’Epée de Bois ce troublant et mystérieux arrière-pays, monde de l’enfance, des pulsions enfouies et de l’inconscient. Dans un ermitage, au fond d’une vallée aride et abandonnée, vivent cinq jeunes filles gardées par la Surveillante. Un matin, Madeleine entre en béatitude et se vide de son sang. La Surveillante part chercher l’aide de trois hommes, un médecin, un policier et un journaliste. La scénographie joue habilement des effets de distance et de proximité entre le monde des mâles et celui de ces petites sœurs des demoiselles de Saint-Cyr. L’univers musical de Cyriaque Bellot et les costumes de Jean-Bernard Scotto soutiennent la mise en scène et aident à élucider le voyage charnel et spirituel de ces adolescentes quittant l’hinterland de l’enfance pour « le pays de la femme sexuée ». A l’épreuve du désir, les recluses découvrent la complexité et la richesse du dehors : « en décrivant l’expérience de cette petite communauté située en dehors du monde, la pièce raconte aussi que tout phénomène d’isolement engendre la peur », dit le metteur en scène Alain Batis.

Variations kaléidoscopiques sur autrui

Si Hinterland met en scène neuf comédiens, les trois autres spectacles de La Mandarine Blanche font varier leurs distributions et empruntent aux différents arts vivants, pour composer un kaléidoscope de propositions. Yaacobi et Leidental, cabaret métaphysique pour trois comédiens et trois musiciens, narre, en rires et en chansons, l’amitié indéfectible de deux valeureux drolatiques. La foule, elle rit, de Jean-Pierre Cannet, réunit un comédiens et deux marionnettistes pour raconter les aventures de Zou, clandestin qui décide de passer la frontière déguisé en clown. Face de cuillère, de Lee Hall, constitue un véritable hymne à la vie, portée par la seule Laetitia Poulalion, qui campe avec émotion cette jeune femme à la tête toute ronde. Les esthétiques et les couleurs poétiques de ces quatre spectacles entrent en résonnance pour créer une polyphonie philanthrope. L’autre, qu’on n’ose pas faire entrer chez soi ou en soi, l’autre qu’on veut toujours rejoindre malgré les frontières, l’ami qui revient même quand l’exclusivité du mariage semble l’avoir relégué aux marges des préoccupations, l’autre, si proche et si lointain : ces quatre spectacles interrogent les rapports qu’on entretient avec lui et rappellent qu’être humain, c’est vivre ensemble.

Catherine Robert

Théâtre de l’Epée de Bois, Cartoucherie, route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris. Yaacobi et Leidental, du 6 au 10 juin 2012 ; du mercredi au samedi à 21h et le dimanche à 18h. La foule, elle rit, du 7 au 17 juin ; du mercredi au samedi à 19h et le dimanche à 16h. Face de cuillère, du 20 au 24 juin ; du mercredi au samedi à 19h et le dimanche à 16h. Hinterland, du 13 au 24 juin ; du mercredi au samedi à 21h et le dimanche à 18h. Tél. : 01 48 08 39 74.