Théâtre - Critique

La Maison

La Maison - Critique sortie Théâtre


Après avoir pensé très longtemps à acheter une maison à la croisée des forêts de Versailles et de Rambouillet, Marguerite Duras acquiert son bien de Neauphle-le-Château. À l’origine de toute demeure – le lieu où l’on reste – il y a la nécessité de la solitude et de la retraite, de l’intimité et du recueillement, de la protection du monde extérieur. Pour Duras, dans La Vie matérielle, la maison est un lieu d’utopie : la maison de famille existe pour y mettre les enfants, et les hommes… pour les garder. De ce fait, la maison n’est pas seulement l’instrument
 architectural de l’habitation, elle est le lieu à la fois symbolique et matériel de la constitution d’une identité. Un lieu où accueillir les amis pour leur faire à manger. L’hôtesse cherche cette « autarcie du bateau, du voyage de la vie » pour les gens qu’elle aime et pour les siens. La femme crée la maison en amenant les enfants à ne pas s’intéresser au bonheur, mais à sa recherche ; elle œuvre à les maintenir dans un état heureux pour qu’ils « s’intéressent à la vie ». La femme est le foyer, elle l’était et elle l’est encore : « L’homme se croit héros toujours, comme l’enfant… On aime les guerriers, les chasseurs, on aime les enfants. Il faut beaucoup les aimer pour les aimer.» Désenchantement et douceur.
 
 
La saveur de la soupe et des mots
 
Pleine d’humour dans sa tenue bourgeoise et raffinée, la comédienne Tania Torrens, auteur(e) et cordon bleu, trône à sa table de cuisine – pommes de terre et poireaux, récipients et transistor jetés en désordre sur l’aire de travail, véritable champ des opérations. La journée de la femme est plus dure qu’une journée de guerre, un temps heurté qui passe des enfants à la cuisine, aux courses, à une activité personnelle. Pour l’homme, une bonne mère de famille est celle qui fait de cette discontinuité du temps, « comme une continuité silencieuse ». Or, M.D. fait la cuisine avec le sourire car elle aime beaucoup ça, même solitude, même inventivité que l’écriture, omelette vietnamienne ou soupe aux poireaux d’antan. Il faut souvent du temps, des années, pour retrouver la saveur de la soupe ou des mots. « J’écris pour rien, sur moi seule à travers les femmes », dit-elle avec humilité ou non, mais ébranlée à jamais par les lectures d’Une Chambre à soi de Virginia Woolf et des Sorcières de Michelet. La tranquillité de Tania Torrens impose l’écoute attentive du spectateur amusé, lui parlant comme à un proche, entre sincérité et vague à l’âme qu’elle transcende, depuis un discours de Mitterrand aux paroles d’une chansonnette : Personne n’a jamais su me dire les mots d’amour, les mots du cœur. Jeanne Champagne, elle, a su choisir les mots justes à faire goûter et entendre.
 
Véronique Hotte

 
La Maison, d’après « La Vie Matérielle » de Marguerite Duras ; mise en scène de Jeanne Champagne. Du 30 mars au 21 mai 2011, du mardi au samedi 18h30, relâche dimanche et lundi. Théâtre du Lucernaire 53, rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris. Réservations : 01 45 44 57 34. Durée du spectacle : 1h.

A propos de l'événement




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