Théâtre - Critique

La madone des dancings

La madone des dancings - Critique sortie Théâtre


Lorsqu’on prend place sur les gradins, devant la scène semblable à une loge parsemée de tables de maquillage, les comédiens sont déjà là. L’atmosphère est studieuse et appliquée, ils écrivent, travaillent, réfléchissent, chacun solitaire avant d’entamer le dialogue. Deux femmes, dont l’une sera Yvette, une autre plus jeune, l’accompagnatrice attentive à tout moment au moindre mot et au moindre geste de la première, faisant rebondir la conversation, et deux musiciens – accordéon et violoncelle. Plus qu’à une répétition, le spectateur fait face à des comédiens en train d’élaborer un processus de narration théâtralisée, sans illustration ni imitation, sans immersion dans une identité, mais en assumant la distance de l’alchimie de la scène, dans toute sa fragilité, à ce point précis où l’incarnation se sait mensonge et pourtant s’affirme. « Elle aurait décidé de mettre sa vie dans un théâtre », « elle raconterait »… Doucement le conditionnel devient présent, « elle » devient « je ». La comédienne se glisse dans son personnage de « Notre Dame de l’Accordéon », et ce passage raisonné et sensible devient aussi intéressant que les mots et l’histoire.  Nous découvrons la vie d’Yvette Horner depuis son enfance à Tarbes. Une petite fille très douée pour le piano, que sa mère lui demande, à son grand désespoir, de troquer contre un accordéon ( plus facile pour faire carrière ). « J’ai douze ans et il pèse douze kilos ». La petite travaille dur toute son enfance ( 900 km par semaine pour aller au Conservatoire de Toulouse).

Un jeu théâtral tout en finesse

Elle remporte la Coupe mondiale de l’accordéon à Lausanne, une réussite incroyable dans un monde exclusivement masculin, avant de briller au Tour de France, et même à Nashville ! Marquée par l’amour de la musique, un travail constant et une volonté sans faille, cette vie de femme populaire trouve aussi son accomplissement par la rencontre de René, qui abandonne sa carrière de sportif pour la soutenir et la dorloter. La chance et l’évidence d’un amour de jeunesse qui dure toute la vie, jusqu’au tragique décès de l’époux. La matière du spectacle provient d’une saga radiophonique diffusée au cours de l’été 2005 sur France-Culture, où Yvette Horner se confiait à la productrice Sylvie Gasteau. La mise en scène délivre cette parole avec quelques traits d’humour gracieux, sans oublier d’évoquer l’histoire de France à travers la bouche de l’accompagnatrice, car Yvette a traversé le vingtième siècle dans une bulle, et ne parle pas des horreurs qui ont bouleversé le monde. Mai 68 ? C’est la nécessité de se rendre en corbillard sur les lieux d’un contrat, à cause des grèves. Sacrée bonne femme ! Un beau moment de théâtre, avec peu de moyens, grâce à un jeu théâtral tout en finesse et en nuances.

Agnès Santi

La madone des dancings, les mille vies d’Yvette Horner,mise en scne de Dominique Verrier le 11 mars à 20H30 au théâtre Firmin Gémier à Antony, tél : 01 46 66 02 74, les 13 et 14 mars à 20H45 au théâtre de Corbeil-Essonnes, tél : 0810 400 478, le 29 mars au Centre Culturel Marcel Pagnol à Bures-sur-Yvette, tél : 01 69 18 79 50.

A propos de l'événement




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