Théâtre - Critique

La Lettre

La Lettre - Critique sortie Théâtre


Elle est arrivée furtivement, dans le froissement d’un jour ordinaire, au cœur d’une maisonnée posée sur le bord immense de l’océan. Une lettre, rédigée dans une langue inconnue, glissée à la dérobée dans la poche d’un ami, par hasard découverte. « La Lettre ». Puis une autre, et encore une autre. Et voilà que la routine de la vie commence à fendiller, que le réel lui aussi faseille. La mère, le père, la fille et le fils… tous échoués sur la grève d’une existence noyée sous le flot des habitudes rompent peu à peu les silences. L’ombre des lointaines douleurs jusqu’alors oubliées grippe les esprits, l’eau noire des souvenirs remonte lentement à la surface… les absents se glissent dans la pénombre du présent. William, le frère scélérat, disparu dans l’énigme d’un destin canaille, rôde dans les parages. Séducteur aux boucles d’or, miraculeusement épargné par les outrages du temps, il hante toujours les âmes qu’il a autrefois ravies et sème l’effroi autant que le désir. La fatalité trame en sourdine son ouvrage…
 
Atmosphère nocturne tendue par le suspens
 
Irrésistiblement, la tragédie serre à vif les nœuds du passé, les haines mal émouchetées écorchent les plaies, comme pour libérer les secrets enfouis dans la poussière grise des années. Sculptant ses personnages en clairs-obscurs, l’auteur et metteur en scène Pierre-Yves Chapalain fore au cœur des situations quotidiennes, jusqu’à toucher les terreurs archaïques, les forces obscures qui agissent les êtres. Il semble traquer « le chant mystérieux de l’infini, le silence menaçant des âmes et des Dieux, l’éternité qui gronde à l’horizon, la destinée ou la fatalité qu’on aperçoit intérieurement sans que l’on puisse dire à quels signes on la reconnaît », dont parle Maeterlinck dans Le Trésor des humbles, cité en exergue. Sans cesse le tragique se cogne à la réalité prosaïque, incertaine cependant, qui parfois tourne au comique inquiet, au songe tourmenté. Cernés par un amas de vieilles chaises, enchevêtrées aussi serrées que les mensonges, les comédiens ourdissent l’intrigue tout en finesse et croisent avec habilité les genres, du théâtre antique au fantastique. Leur jeu naturel, quoiqu’encore un peu inégal, écarte tout accent de psychodrame mais laisse deviner, entre les trouées du langage, des mondes insoupçonnés, prêts à surgir, au seuil du conscient. Jusqu’au dénouement, implacable.
 
Gwénola david

La Lettre, de Pierre-Yves Chapalain, jusqu’au 9 novembre 2008, à 20h30, sauf dimanche 16h30, relâche lundi, au Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris. Rens. 01 43 28 36 36 et www.la-tempete.fr. Durée : 1h30.

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