Théâtre - Critique

La Faculté des rêves d’après Sara Stridsberg, mis en scène par Christophe Rauck

La Faculté des rêves d’après Sara Stridsberg, mis en scène par Christophe Rauck - Critique sortie Théâtre Paris T2G - Théâtre de Gennevilliers


d’après Sara Stridsberg / mes Christophe Rauck

Autres temps, autres mœurs : comme beaucoup de ce qu’ont vu naître ou s’affirmer les années 60, le féminisme s’est progressivement assagi jusqu’à devenir un code couleur à arborer en manifestation. Celui de Valerie Solanas est autrement plus flamboyant, et ses propositions – qui se dispensent du moralisme puisqu’elles sont politiques – résolument plus sévères : pour libérer la société de l’emprise phallocratique, il faut supprimer les mâles. Le SCUM Manifesto, virulent pamphlet contre le patriarcat, pose les principes de cette volonté émancipatrice sans concession. Est-elle folle, même si elle affirme être la seule à ne l’être pas ? Sans doute si la folie est allergie constitutive à la société dans laquelle on vit ! Mais Solanas est aussi contradictoire, écorchée vive, violée par son père, bailleuse de son sexe et meurtrière ratée d’Andy Warhol, ce dernier geste scellant sa réputation et son destin. Pour recomposer ce dernier, Sara Stridsberg a écrit un livre fait de fragments sans chronologie, dont Lucas Samain a remarquablement adapté la structure narrative, la puissance évocatrice et la diffraction temporelle.

Des comédiennes exceptionnelles pour un destin démesuré

« Un rôle contemporain à la mesure de l’engagement et de la singularité du jeu de Cécile Garcia Fogel » dit le metteur en scène Christophe Rauck à propos du personnage complexe qui sert de pivot au spectacle : la comédienne l’interprète avec un exceptionnel talent et une maîtrise sidérante de la voix, de la posture et du geste, allant jusqu’à sembler changer de corps à mesure que Valerie Solanas progresse en irréductibilité. Tour à tour enfant blessée, « pute intellectuelle », égérie déglinguée ou laborantine exterminatrice de souris mâles, Cécile Garcia Fogel confirme avec ce rôle foisonnant l’évidence de sa maîtrise sans égale de la scène. Autour d’elle, Christèle Tual (fascinante Dorothy, sorte de Marilyn au rabais), Mélanie Menu (Cosmogirl, l’étudiante qui préfère la bourse du directeur à celle de l’Etat pour payer ses études), Anne Caillère (la narratrice), David Houri et Pierre-Henri Puente (qui interprètent tous les hommes et notamment ceux de La Factory) sont brillantissimes. Pas de fausse note dans ce concert polyphonique remarquablement composé et réglé, dont l’harmonie dissonante, entre évanouissements, cris, rire, feulements et mots d’amours, ressemble à celle des concerts underground apparus dans l’Amérique des années 60 et dont le spectacle ressuscite l’esprit. Une réussite complète, à la fois hypnotique et poignante, portée par des interprètes éblouissants.

Catherine Robert

A propos de l'événement


La Faculté des rêves
du jeudi 23 avril 2020 au mercredi 6 mai 2020
T2G - Théâtre de Gennevilliers
41 Av. des Grésillons, 92230 Gennevilliers

Rens 0141322610. Puis du 12 au 19 mai au Montfort, à Paris. Durée : 2h05.


Spectacle vu au Théâtre du Nord.


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