Théâtre - Critique

La dernière bande de Samuel Beckett, mise en scène de Jacques Osinski

La dernière bande de Samuel Beckett, mise en scène de Jacques Osinski - Critique sortie Théâtre Paris Athénée Théâtre Louis-Jouvet


Athénée Théâtre Louis-Jouvet / de Samuel Beckett / mes Jacques Osinski

Chaque année, le jour de son anniversaire, Krapp enregistre sur une bande magnétique les réflexions qui lui viennent à l’esprit en repensant à l’année qu’il laisse derrière lui. Chaque année également, parallèlement aux jaillissements de ses soliloques, il pioche au sein de vieux cartons pour en sortir des bandes enregistrées tout au long de son existence, dans les mêmes circonstances. Il se met alors à réécouter des extraits de ces archives sonores, confrontant la matière de son passé – qu’il commente par le biais de paroles ou d’expressions bougonnes, lasses, dépitées, moqueuses… – à celle de son présent. C’est un homme profondément esseulé que Samuel Beckett convoque dans La dernière bande (pièce écrite à la fin des années 1950, publiée aux Editions de Minuit). Un écrivain sans œuvre et sans carrière dont Denis Lavant s’empare avec le talent et l’intelligence qu’on lui connaît. Sous la direction du metteur en scène Jacques Osinski, le comédien révèle non seulement l’acuité des mots de Samuel Beckett, mais aussi la puissance des silences, des gestes et des situations qui participent à la grandeur de son écriture.

Une apnée stupéfiante

Tout commence par une apnée stupéfiante. Un prologue d’une vingtaine de minutes durant lequel, sans parler et dans une ambiance de semi-obscurité, Krapp s’occupe tranquillement. Il entre et sort, épluche une banane, la mange, finit par glisser sur sa peau, fouille dans ses poches ou dans les tiroirs de la table qui se trouve devant lui, s’assoit et se lève, se déplace, reste immobile face à nous ou s’abstrait de nos regards à l’occasion de longs instants passés hors de scène… C’est l’intensité même du présent qui s’affirme ici, avant même que ne soit prononcé un mot. On sourit. On est suspendu à un geste, une attitude. On est emporté par la force de la vie qui apparaît, dans toute sa singularité et sa drôlerie, à la faveur de la performance de clown saisissante qui nous est offerte. Puis le temps des mots arrive. Prononcés en direct ou retransmis par un vieux magnétophone, ils nous plongent dans les gouffres existentiels et les souvenirs d’amour de Krapp. Et là aussi, Denis Lavant excelle. Le comédien incarne magnifiquement les errances et les contradictions de son personnage. Virtuose du verbe comme virtuose du mouvement, virtuose du corps, le comédien embrasse et exalte toutes les dimensions du théâtre.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement


La dernière bande
du jeudi 7 novembre 2019 au samedi 30 novembre 2019
Athénée Théâtre Louis-Jouvet
Square de l’Opéra Louis-Jouvet, 7 rue Boudreau, 75009 Paris.

Le mardi à 19h, du mercredi au samedi à 20h. Spectacle vu à l’occasion de sa création lors du Festival Off d’Avignon, au Théâtre des Halles, le 17 juillet 2019. Durée de la représentation : 1h20. Tél. : 01 53 05 19 19. www.athenee-theatre.com.


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