« Dans La Dernière Bande, se joue la vie d’un homme à l’état substantiel, une part d’intimité secrète que chaque spectateur peut inventer. “Avec toute cette obscurité autour de moi je me sens moins seul”, dit Krapp. C’est le sentiment que j’ai quand la lumière s’éteint dans une salle de spectacle. La représentation nous renvoie à notre propre rapport à la solitude, aux autres, à notre engagement d’artiste. Jusqu’où la radicalité doit-elle aller ? Auteur sans succès, Krapp a lui-même fait ses choix. Qui sait si, à un moment, dans le feu de l’écriture, il n’a pas effleuré le sublime ? La frontière est si ténue, parfois, entre le génie et le pathétique, la grâce et le ridicule.
Une alchimie lunaire
Pour incarner ce personnage, j’ai choisi François Small, dit Smol, clown muet qui a marqué l’histoire du clown et du théâtre d’objet. Chez Beckett, plus qu’ailleurs encore, le silence est du texte. Je savais que François offrirait à Krapp une alchimie lunaire tout à fait singulière, entre tendresse et violence. Ici, il n’est pas son propre auteur, comme c’est le cas dans ses spectacles. Il lui a fallu absorber ces corps étrangers que sont les mots et les actions d’un autre. Cela n’empêche pas sa composition d’être viscérale, ancrée dans la spontanéité. François attendait Beckett depuis vingt ans. Il aura l’âge du rôle cette année. C’était le moment. »
Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat
à 15h15. Relâche les lundis 10 et 17 juillet. Tél. : 04 32 76 20 18.
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