Théâtre - Critique

La Confusion

La Confusion - Critique sortie Théâtre


Elles n’en sont pas à leur coup d’essai. Marie Nimier, écrivaine, et Karelle Prugnaud, metteure en scène, ont déjà investi ensemble la Halle aux poissons du Havre, un souterrain d’Evreux et le sous-sol des Galeries Lafayette de Rouen avec des performances originales concoctées pour la mortelle Grande Veillée du festival d’Automne en Normandie. Retour en salle n’entraîne pas retour au sage, puisque la première pièce jamais écrite par Nimier, de facture plutôt traditionnelle, plonge dans l’univers si particulier de Prugnaud, mélange de kawai, esthétique jeuniste kitsch tendance peluches multicolores venue du Japon, et d’hentai, courant nippon également, avec bizarreries à connotation sexuelle, entre mangas, transformisme et sado-masochisme. Le public présent ce soir-là a modérément goûté ce théâtre-performance qui, à coup d’images fortes et d’une interprétation puissante, revisite un texte subtil qui explore la difficulté de vivre et de se créer une identité. Rodrigo Garcia et Angelica Liddell sont pourtant passés par le Rond-Point cette saison. L’audace scénique aurait encore du mal à s’y imposer…

Aux confins du sordide et de la profonde humanité

Au centre de l’histoire, la relation entre Sandra, et son demi-frère, Simon, histoire d’amour au-delà de l’inceste qui les conduit à se rencontrer régulièrement dans cette maison où elle reste cloîtrée. Malgré sa jupe courte de collégienne, sous laquelle bave maintenant sa culotte,  Sandra est relativement âgée. Simon aurait une femme et des enfants. Il semble arpenter normalement le monde extérieur, et ne s’y soustraire qu’épisodiquement – et à regrets – pour rendre visite à sa demi-sœur. Voilà pour la situation qui ne signifie rien hors de cet univers aux confins du sordide et de la profonde humanité dans lequel on les voit évoluer. Réfugiée au milieu de ses peluches et s’adressant à un chien-tamagotchi imaginaire, Sandra vit à travers Hélène Patarot, impressionnante comédienne franco-vietnamienne de la troupe de Peter Brook, qui joue sans cesse au présent, superpose l’enfant survivant et l’adulte désespéré en passant de l’un à l’autre aussi simplement qu’elle change de registre de jeu. Autour d’elle, Xavier Berlioz et les musiciens Bob X et Fabien Kanou, sortis de leur cage, grondent sous leurs masques de molosses et cassent le cocon d’une bulle qui sent le renfermé. Le temps d’une lessive, il est question d’amour, de désir, d’absolu, de pulsions, de normes et d’anormalité, de la difficulté à rester debout, à vivre, grâce au mariage d’un texte parfois bouleversant – le monologue final à travers le hublot de la machine à laver –  et d’un univers éloquent et à l’indéniable singularité.

Eric Demey


La Confusion de Marie Nimier, mise en scène de Karelle Prugnaud, jusqu’au 7 avril au Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin. D. Roosevelt, Paris 8ème. Tél : 01 44 95 98 21. Durée : 1h20.

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